In God we trust
Depuis son inoubliable Pinocchio, Fauve d’or d’Angoulême 2009, Winshluss avait surtout fait parler de lui au cinéma (Poulet aux prunes, Villemolle 81) et dans les musées – malgré une réédition de son Super Negra l’an dernier. Il revient à la bande dessinée avec ce très beau In god we trust, relecture bouffonne et léchée de la Bible et des turpitudes de l’Église catholique.
Pour ce remake hilare des fondements du monde judéo-chrétien, un seul narrateur-héros possible : Dieu. Sous les traits d’un hippie sur le retour, bedaine, cheveux gras et oeil unique. On le voit bâtir la terre comme on monte un mur de parpaing au fond du jardin, imaginer l’homme pour s’occuper avant l’apéro, regarder la civilisation se développer en se disant qu’il a dû rater quelque chose à un moment, gérer la foi comme on manage une multinationale de produits cosmétiques… Bref, le train-train.
Si le choix de se moquer de la religion chrétienne tous azimuts n’est pas le plus original qui soit, quand c’est Winshluss qui s’y colle, la sauce prend immédiatement. Car il n’a pas son pareil dans le panthéon des potaches. Et mêmes si les sujets de blagues sont faciles (l’immaculée conception, le jugement dernier, les prêtres pédophiles…), l’auteur réussit, par l’accumulation de séquences délirantes, à déclencher de vrais fous rires: il réinterprète Adam et Eve version porno amateur, il raconte Moïse contre Pharaon façon Conan contre Godzilla, il enchaîne les courtes scènes absurdes qui font mouche par leur rythme et leur ton. Car c’est un des vrais points forts du livre: l’irrévérence va suffisamment loin pour séduire et surprendre même les plus fervents anticléricaux, Winshluss ne cédant jamais à la facilité policée.
Autre atout de l’album, le personnage de Jésus, grand ado emprunté et benêt, mal à l’aise dans ses relations avec son père. Celles-ci donnent de la chair et une intéressante continuité dans la succession de saynètes au dessin cartoon-crado vraiment épatant, et c’est une excellente idée.
En cette année 2013 qui a vu resurgir un catholicisme rigide et intolérant, In God we trust se pose comme la bonne réponse, drôle et gentiment provocatrice. In Winshluss and Les Requins marteaux we trust !
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