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3 Comments

Indémodable Peyo

8 décembre 2014 |

Ces derniers mois ont été riches en actualité autour de Peyo, sans raison apparente : ni anniversaire, ni grande expo, à peine le film Benoît Brisefer (dont on se passera) est-il programmé pour les fêtes. Bien sûr, depuis le film des Schtroumpfs, grand succès au box-office, il faut proposer des choses aux fans, mais les livres publiés sont bien plus des objets d’esthètes que des produits tentant de surfer sur le moment. Et si la simple raison était que le talent de Peyo est toujours aussi nécessaire et éclatant ? Petit tour d’horizon.

johan_integraleJohan et Pirlouit, Les Schtroumpfs : les intégrales continuent

Pour commencer, il y a deux belles intégrales. D’abord le tome 3 de Johan et Pirlouit, qui est la réédition sous une maquette plus cohérente de celle déjà parue dans la collection Archives Dupuis. Plus élégants, ces volumes sont bienvenus mais pas nécessaires si vous avez déjà l’ancienne édition.

Le tome 2 de l’intégrale des Schtroumpfs, lui, poursuit le travail entamé avec autant de sérieux. Dans ce volume, préfacé par Hugues Dayez, on découvre un Peyo de plus en plus dépassé par le succès de ses œuvres, obligé de déléguer à un studio réuni avec soin. On y trouve donc de nombreux récits courts, pas forcément les plus marquants mais toujours agréables et, surtout, deux des meilleurs récits de la série : Les Schtroumpfs et le Cracoucas, et Le Cosmoschtroumpf. schtroumpf_integraleDans le premier, les lutins affrontent un oiseau monstrueux (dont le design a été croqué par Franquin), créé par accident, délivrant autant une histoire d’aventure trépidante qu’une fable sur la « science sans conscience ». Le Cosmoschtroumpf, lui, est un épisode mythique autant pour le doux onirisme véhiculé par les décors magnifiques que pour le quiproquo impeccablement ciselé menant un peuple entier à mentir par bienveillance. L’intégrale est donc hautement recommandable, mais contient assez peu de pièces inédites, ceux qui possèdent les albums peuvent donc s’en dispenser.

Poussy, un travail patrimonial presque parfait

C’est autre chose pour l’intégrale Poussy. Cette série mineure de Peyo n’en est pas moins importante : rare exemple de strip francophone, la totalité représente près de 400 pages ! Là encore, c’est Hugues Dayez qui introduit finement le tout, et ponctue les « périodes » de commentaires utiles. Ainsi après les premiers strips en noir et blanc, assez maladroits, jamais republiés depuis leur parution dans Le Soir, on redécouvre les versions les plus connues – qui étaient repassées dans Spirou et avaient connu la gloire de l’album. Seulement, à l’époque tous les strips étaient diffusés dans un désordre absolu, et plusieurs dizaines d’entre eux étaient restés aux oubliettes. Ici, un simple mais classement chronologique permet d’apprécier la série dans son entièreté. On saluera également une volonté de réelle intégrale, car le beau volume n’exclut pas les Poussy réalisés par d’autres auteurs.

poussy_integraleOn retrouve d’abord bon nombres de gags de Lucien de Gieter, l’auteur de Papyrus, alors assistant de Peyo, qui prenait son envol en reprenant la série pour Spirou. Puis ceux de Daniel Desorgher, futur auteur de Jimmy Tousseul puis encreur du Scrameustache. Cette soixantaine de pages est suivie de strips encore moins connus, publiés dans le Schtroumpf magazine des années 1990, également réalisés par Daniel Desorgher mais aussi par Éric Closter et Philippe Delzenne. Enfin, le livre se conclut par le reprise de tous les en-têtes de chapitres dessinés pour les albums. Un travail patrimonial poussé donc, comme en atteste le sourçage précis de chaque strip – numéro et date du magazine de prépublication sont indiqués, ainsi qu’une éventuelle parution en album et toute info nécessaire – auquel on comptera seulement deux défauts.

L’un, mineur, est de n’avoir sourcé que les parutions dans Spirou pour les strips précédemment publiés dans Le Soir. L’autre, plus embêtant, est de ne pas avoir repris les 26 pages de la « Poussypédia », amusante chronique écrite par Yvan Delporte et dessinée par Marc Wasterlain. Un manque d’autant plus regrettable que la première est reprise en introduction et que ça n’aurait donc pris que 25 petites pages supplémentaires. Mais, vous l’aurez compris, il s’agit avant tout de chercher la petite bête sur un travail plus qu’honorable dont beaucoup d’éditeurs devraient s’inspirer…

poussy_integrale_strip

7fontaines_integraleLa Guerre des 7 fontaines décryptée

Un dernier titre vient agrémenter cette vague « peyesque », il s’agit du nouveau titre des éditions Niflle. Après un superbe Gil Jourdan et un Tif et Tondu laissant plus sceptique, c’est au tour de Johan et Pirlouit d’être publié dans la prestigieuse collection 50/60. On y retrouve encore (et toujours!) Hugues Dayez, qui commente avec diverses anecdotes les planches publiées. Spécialiste de Peyo entre tous, il est très inspiré et son commentaire éclaire certaines pratiques du dessinateur, comme le contexte de l’oeuvre. Cela reste toujours relativement anecdotique, mais c’est le principe de cette collection qui fait avant tout la part belle au dessin grâce à une maquette évitant le parasitage. La Guerre des 7 fontaines est un album majeur de la série, d’abord parce que Peyo est en pleine possession de ses moyens : on est loin de la maladresse graphique des débuts, les personnages ont des caractères bien développés, et le goût du fantastique vogue librement dans un Moyen-Âge fantasmé. Le dessin de Peyo, qui est un laborieux et non un virtuose, y est impeccablement net, le noir et blanc permettant d’en saisir toute la sobre perfection. L’intrigue, en deux temps bien analysés, permet de voir tout son arsenal narratif : quête, humour, trahison, bagarre… C’est aussi l’album où les Schtroumpfs, après être apparus dans la série, se rendent incontournables. Le choix est donc le bon et le travail d’édition ravira les esthètes.

Ce déferlement inattendu de Peyo confirmera donc que malgré les ans, son travail reste d’une efficacité remarquable. De quoi pousser les éditeurs à se pencher sur une intégrale Benoît Brisefer avant d’attaquer le moins connu (mais intéressant) Jacky et Célestin?

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Johan et Pirlouit, intégrale #3.
Dupuis, 24 €, juillet 2014.
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Les Schtroumpfs, intégrale #2.
Dupuis, 28 €, août 2014.
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Poussy, intégrale.
Dupuis, 32 €, octobre 2014.
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La Guerre des 7 fontaines.
Dupuis/Niffle, coll. 50×60, 28 €, septembre 2014.
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Commentaires

  1. Toute cette avalanche de Peyo est bienvenue, car il s’agit de belles et bonnes histoires, présentées de façon assez luxueuse. On a souvent ignoré ou méprisé le grand Peyo de son vivant ou après son décès, notamment du coté des jurys d’Angoulême.On lui reprochait d’avoir un studio, d’avoir plusieurs séries à succès tout public et de bien gagner sa vie. Et même de ne pas remettre en cause le maudit système de la société de consommation. Bien après sa mort, l’importance de son oeuvre apparait désormais essentielle, ce qui n’est qu’un juste retour des choses pour ce grand conteur doté d’un trait d’une lisibilité exceptionnelle.

  2. crisostome

    la collection 50/60 de NIFFLE est vraiment décevante et n’offre , graphiquement , que le bonheur du noir et blanc ; la collection PATRIMOINE de DEPUIS est , elle , bien supérieure et indispensable par ces pages offrants le trait pur de Franquin et les planches en noir et blanc sont une vrai bonheur de lecture ; INDISPENSABLE !!!

  3. Pas Depuis, mais Dupuis. Et ce n’est pas du tout le même prix, les albums Grand Format de Franquin valent plus de cent euros pièce!

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