Inside Angoulême 2012 #2
Suite de mon parcours subjectif au coeur du Festival de la bande dessinée d’Angoulême.
Mon samedi s’est plutôt déroulé au théâtre d’Angoulême, pour des rencontres étonnantes et des émotions variées. En effet, j’ai eu le plaisir d’animer des « rencontres dessinées », une heure pendant laquelle un dessinateur parle de son travail sur la page (filmée par dessus) et échange avec le public, souvent venu nombreux. À midi, c’est Merwan, le talentueux auteur du récent Le Bel Âge, qui est venu parler de mise en scène, de découpage, d’intention et surtout d’émotions. En reprenant deux cases du tome 2 du Bel Âge à peine terminé, qu’il jugeait non satisfaisantes, le dessinateur de 33 ans a chercher à trouver une meilleure solution, à partir de 3 cases et des échelles de plans différentes. Et surtout, il a joué son personnage, intérieurement, tentant de véritablement vivre les émotions complexes de son héroïne, jusqu’à ce que la bonne intention sorte du crayon. Au bout d’une bonne heure d’essais, de ratages, de sourires, Merwan a invité le public (fasciné) à venir voir de près ses petites pages A4 encrées finement. Un moment très intense, une vraie rencontre entre un auteur et des lecteurs.
Toujours dans le cadre de ces rencontres, Alfred a pris place derrière la table à dessin. Il a parlé de son travail en cours, un récit long (environ 250 pages, dont il a dévoilé ici pour la première fois quelques pages) qui se déroule dans l’Italie des années 60, et met en scène deux frères qui ne se parlent plus vraiment. Le dessinateur du Désespoir du singe et de Pourquoi j’ai tué Pierre s’est livré petit à petit, expliquant le chaos qui préside à la création de ce nouvel album, sans titre, à paraître chez Delcourt en janvier prochain, revenant sur son installation en Italie, une paternité qui a remué pleine de choses dans sa tête et sa famille, et ses huit ou neuf mois de blocage, de dégoût du dessin. Avant d’y revenir, par la voie d’un carnet dans lequel il s’astreint désormais à se lâcher, à dessiner de manière automatique, pour retrouver le plaisir de la plume et du stylo. Pudeur, émotion sincère, retenue. Je pense que cette heure avec Alfred restera longtemps dans la mémoire des visiteurs, qui ont chaleureusement applaudi l’auteur qui s’était mis à nu.
La journée s’est (presque) achevée où elle avait commencé, au théâtre donc, avec le très attendu concert de Jean-Claude Vannier, mis en dessin par Aude Picaut. Devant une salle comble, le compositeur et arrangeur (pour Gainsbourg, notamment – Melody Nelson, c’est lui) a enchaîné quelques-unes de ses chansons les plus connues et les plus douces, accompagné par l’orchestre des élèves du conservatoire. Hélas, la rencontre Vannier-Picaut ne s’est pas vraiment produite. La dessinatrice n’est pas intervenue sur tous les morceaux, et quand elle le faisait, elle ne semblait pas réussir à se lâcher, à laisser échapper du souffle et de la vie de ses aquarelles. La présence de Vannier était-elle trop forte, trop envahissante ? Son univers ne l’a-t-elle que modérément inspiré ? Mystère. Et il serait inutile de chercher des responsables ou des raisons. Ça n’a pas collé, c’est tout, malgré le talent des deux artistes. Dommage.
Publiez un commentaire