Interférences
En France en 1978, le paysage radiophonique se réduit à cinq stations privées, trois publiques. Leur programmation musicale est dominée par la variété française, et la parole giscardienne se taille une belle part sur les ondes. Portés par le vent de libertarisme des années 1970, des « anciens de 68, écolos, féministes, homosexuels, intellectuels, journalistes, simples passionnés de technique… » se font pirates, s’arrogeant le droit, eux aussi, d’émettre.
Dans Interférences, Laurent Galandon imagine le parcours de deux d’entre eux. Ses jeunes héros de fiction, Pablo et Alban, viennent de milieux différents — l’un est le fils de prolétaires espagnols, l’autre issu d’un milieu très bourgeois. Portés par des idéaux différents mais convergents, ils créent à Paris Radio Nomade, baladant leur émetteur avec un camion d’arrondissement en arrondissement. Diffusant du rock anglais ou américain, mais aussi la parole d’exclus de la société…
Porté par le trait efficace de Jeanne Puchol, tout en noir, blanc et gris, ce récit recrée avec une précision documentaire le parcours des deux radiolibristes. De leurs premiers pas hésitants, encadrés par un ancien de la mythique Radio Caroline (qui émettait sur un bateau au large des côtes britanniques), à leurs différends, quand l’un décide de travailler pour une radio publique, tandis que l’autre souhaite continuer à militer par le micro. Sans oublier les moments de panique, quand la police les recherche, que les « camions gonio » (qui opèrent une triangulation des ondes pour repérer les dissidents) patrouillent. Une intrigue secondaire, autour de l’amitié trahie entre les deux jeunes hommes, densifie encore l’histoire — en l’alourdissant un peu, mais sans la plomber pour autant. Rendant ces intéressantes Interférences touchantes.
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