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Interview bonus : Marion Mousse

20 juin 2008 |

Marion Mousse ne fait rien comme tout le monde, en tout cas comme les autres auteurs de BD. D’abord, c’est à l’âge presque canonique de 25 ans qu’il découvre les joies des bulles et décide d’en faire son métier, après s’être destiné à l’enseignement de l’histoire de l’art ou de la philo. Ensuite, il a choisi un pseudo féminin. Et enfin, quand ses petits camarades s’enferment dans leur atelier pour être à l’abri des sollicitations en tout genre, lui préfère dessiner aux terrasses de bistrots. Résultat : ses planches originales sont couvertes de taches de café ou, pire, de fientes d’oiseau, comme le chapeau des Dupondt dans Le Temple du Soleil. À propos de soleil, l’auteur de Fracasse (Treize étrange) et From outer space (6 pieds sous terre) travaille sous celui de Marseille. Ce qui ne l’empêche pas d’aimer les œuvres sombres comme Frankenstein, qu’il met en images.

Retrouvez Marion Mousse dans BoDoï n°120!

Votre Frankenstein, dont le 3e tome sort fin août, est très littéraire…
Dans le roman, les personnages ont tous le même discours, ils s’expriment comme la créature. Elle a appris à parler au travers de livres, et il en résulte un décalage entre ses pensées et les moyens dont elle dispose pour les exprimer. Sa référence, c’est le Journal écrit par Victor Frankenstein, dans lequel on trouve de nombreux termes scientifiques. Mais derrière ce flot verbal pompeux et emphatique, on ressent la peur qui l’étreint…

Vous avez repris certaines scènes mythiques du film de James Whale (avec Boris Karloff), comme celle avec la petite fille au bord du lac…
Elle appartient aujourd’hui au patrimoine du cinéma, mais elle ne figure pas dans le livre, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens ! J’ai inventé pas mal de scènes, même si le roman commence et se termine réellement au pôle Nord, ce que l’on voit rarement dans les adaptations de Frankenstein. J’ai créé des personnages et j’en ai supprimé d’autres. J’ai aussi coupé des passages qui n’ont plus d’intérêt aujourd’hui, notamment ceux qui font référence à la nature et sont typiques du courant romantique de l’époque.

Victor Frankenstein est-il une sorte de « savant fou » ?
Non, pas du tout. Il se pose des questions d’intellectuel, c’est un être croyant, en colère contre la nature et totalement perdu. Il veut fabriquer un homme parfait et faire disparaître la mort, mais est dépassé par sa création. Victor Frankenstein est comme nous, à une différence près : il dispose de moyens scientifiques importants.

Est-ce un héros moderne ?
Frankenstein nous renvoie à des thèmes d’actualité comme la génétique, mais je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’un héros. Il est souvent lâche et son premier réflexe consiste à rejeter ce qu’il a créé. Il tourne le dos à sa créature, comme si rien ne s’était passé. Mais il ne peut pas revenir en arrière et c’est l’escalade… Je n’aimerais pas être à sa place !

Aviez-vous lu le Frankenstein de Denis Deprez, paru en 2003 chez Casterman ?
Oui. Il a travaillé sur l’image de la créature et son potentiel graphique, d’où un choix de grandes cases et de couleurs directes. J’ai fait l’inverse : les dialogues et l’écriture sont plus importants que la forme.

Quels sont les dessinateurs qui vous ont influencé ?
Mike Mignola m’a beaucoup marqué. J’ai découvert grâce à lui le potentiel du noir comme couleur : cela apporte une force évocatrice hallucinante. Sans Mignola, je n’aurais jamais osé réaliser des cases avec deux tiers de noir. Quelqu’un comme David B. m’a aussi influencé, j’aime l’esprit de ses livres, leur narration classique mais jamais simpliste.

Au départ, vous vous destiniez à l’enseignement. Comment êtes-vous arrivé à la bande dessinée ?
J’ai découvert la bande dessinée quand j’avais 25 ans ! J’étais plutôt littéraire, avec des idées préconçues : je pensais que la BD n’avait pas d’intérêt… Mon premier émoi fut le troisième tome de Sambre, par Yslaire. Quand je suis arrivé à Paris, je me suis pris une grosse claque avec les livres de L’Association ou de Cornélius. J’ai découvert que la littérature en bande dessinée existait grâce à des auteurs comme David B. ou Lewis Trondheim. Avant, j’écrivais des histoires mais je ne dessinais pas, comme si j’avais oublié que je savais le faire. L’Association m’a prouvé que lier les deux était possible. Je me suis remis au dessin – que j’avais abandonné au collège – à la fin des années 90.

Et après Frankenstein ?
Je prépare un album pour Futuropolis, La Théorie de la tartine, qui met en scène un trentenaire, archétype de l’anti-héros, incapable de communiquer ses sentiments.

Propos recueillis par Christophe Quillien

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