Par Florent Ruppert et Jérôme Mulot. L’Association, 15 €, novembre 2009.

Les auteurs préviennent : Irène et les clochards est leur « premier livre pas drôle ». Finis les dialogues en arborescence, l’humour très très noir, l’absurde comme moteur narratif. Voici donc Irène, étudiante parisienne amputée d’un sein, mal dans sa peau, fascinée par les clochards et par la mort. Elle s’imagine sans cesse de nouvelles manières de se suicider, rêve de trucider à coups de sabre tous les passants, demande un peu d’amour et n’en récolte que très peu. Irène est un jeune fille paumée, une citadine moderne et seule.

Les ultraprodufctifs Ruppert et Mulot frappent à nouveau très fort. En mettant en images les fugaces délires et morbides pulsions de leur héroïne, ils parviennent au fil des pages à peindre un état dépressif et une grande solitude avec justesse. Irène ne sait pas où aller, elle se voit soit en super-héroïne, soit en cadavre. La distance créée par les cadrages, le détail des décors parisiens, et la récurrente absence d’expression des personnages (comme à leur habitude, les deux auteurs préfèrent travailler la gestuelle que les visages, structurés par un seul trait) composent une bande dessinée extrêmement originale, entre reportage, récit intime et fable funèbre. Ruppert et Mulot se mettent en scène au détour d’une séquence, comme des témoins sceptiques et effrayés par le monde que se construit Irène, et leur ouvrage n’en tire que plus de force : ils ancrent leur histoire dans une réalité dure et violente, construisant un nouveau pan important de leur oeuvre déjà riche. Ce nouvel album confirme, s’il était besoin, leur talent et leur volonté de réfléchir sur les possibilités du médium bande dessinée. Il est donc en soi une excellente nouvelle.

Achetez Irène et les clochards sur Amazon.fr