Dans la ville-usine de Dreib, Ish et Mima s’aiment. Et se soutiennent quoi qu’il arrive dans un quotidien harassant et pesant, sous le joug de la dictature d’une reine puissante. Alors quand une sorte de poisson magique apparaît, qui pourrait être la réminiscence d’un peuple libre qu’on pensait disparu, et que tout s’en retrouve bouleversé, les deux amoureux n’hésitent pas longtemps : ils fuient à travers le désert, qu’immporte les dangers et leurs poursuivants, pour trouver la terre verte et accueillante des légendes anciennes.

En construisant un monde de SF fantasy aux influences croisées de Moebius, Miyazaki et de toute un pan du manga de science-fiction, Jules Naleb risquait de tomber dans l’hommage creux et l’exercice de style vain. Il n’en est rien, et pour un premier album de bande dessinée, l’auteur s’en sort avec brio. En effet, s’il s’appuie sur une intrigue linéaire relativement simple, qui prend la forme, tel un conte, d’un périple et d’une quête aux multiples enjeux, il s’offre le temps de bâtir son univers, à travers des personnages surprenants et une mythologie originale. Influencé à la fois par les costumes d’Asie mineure, les jeux vidéo, l’art aborigène ou la SF post-apo façon Mad Max, l’univers d’Ish et Mima – dénommé Aeon World – se déploie dans des planches aux couleurs franches et au trait assumant un aspect numérique touchant de fragilité, auquel le grand format choisi par Kinaye offre une belle exposition. Au-delà d’un voyage graphique dépaysant, c’est surtout une poignante histoire d’amour qui s’écrit ici, dans une pureté (une candeur, diront certains) atypique et apaisante. Une belle découverte, dont on espère qu’elle n’est que le début du voyage dans cet Aeon World prometteur.