Elise et Jean-Christophe sont mariés depuis des décennies. Ils ont la cinquantaine, leur fille n’est plus à la maison, le travail est plus prenant que jamais et leur vie sexuelle est réduite à sa plus simple expression. Leur quotidien suit tout de même son cours, avec plus ou moins d’enthousiasme, jusqu’au moment où Elise entend par hasard un message ne laissant aucun doute sur l’infidélité de son mari !

Bien que cette bande dessinée parte d’une situation tout ce qu’il y a de plus éculée, les autrices parviennent progressivement à lui donner une ampleur que l’on n’aurait pu soupçonner. Tiraillée par cette nouvelle, Elise ne s’énerve pas, ne le reproche pas à son mari, ne se venge pas non plus, mais entame un cheminement personnel vers la meilleure connaissance et acceptation d’elle-même, de son corps et de ses désirs.

Que ce soit au scénario comme ici, ou en tant que simple directrice de collection, Céline Tran continue à prouver avec les titres de sa collection Porn’pop que le genre est largement sous-exploité et loin d’être exclusivement réservé aux hommes, à l’exposition de scènes vulgaires et volontairement aguicheuses, aux scénarios qui tiennent sur un timbre-poste, à la mise en scène de personnages aux corps parfaits, aux gros plans graveleux… Cette histoire ne s’embarrasse d’ailleurs que bien peu de visions pornographiques frontales et reste bien souvent sur de la sensualité et de l’érotisme, l’imagerie coquine ne prenant le dessus que lorsque cela s’avère nécessaire.

Découpé en parties reprenant pas à pas l’émancipation d’Elise, ce très beau scénario alterne prose intime et pages de BD. Rempli d’émotions, le cheminement de pensée de cette femme à l’aube de la ménopause est un appel à se découvrir et s’écouter soi-même. Une invitation à ne pas cantonner la sexualité à une routine normée ou bridée et à réfléchir s’interroger sur l’idée de confiance mutuelle. Subtilement écrit, cet ouvrage est aussi celui d’une révélation graphique. Depuis ses premières BD, Grazia La Paluda (Le Jardin d’hiver, Les Échos invisibles…) a atteint une maturité graphique bluffante. Son travail à l’aquarelle donne vie à des personnages tout en douceur et sensualité sur un jeu de couleur qui rappelle celui de David Sala (Le Joueur d’échecs, Le Poids des héros…).