Ivan Brunetti couche ses traumas sur papier
Il utilise la bande dessinée comme un exutoire nécessaire pour continuer à vivre, et ne sait pas ce que l’expression « politiquement incorrect » signifie. Ivan Brunetti, 42 ans, dessine dans Misery loves comedy ce que personne n’oserait raconter à ses amis : des histoires gores, scatologiques, gonflées, drôles, acides… avec un culot monstrueux. Rencontre avec un auteur américain né en Italie, qui livre son intimité spontanément.
Faire de la bande dessinée, est-ce pour vous une thérapie?
Ce fut le cas à une époque. Misery loves comedy est un recueil de trois numéros de Schizo, réalisés quand j’avais 25 ou 26 ans. J’étais alors très en colère, sans savoir pourquoi. Je voyais beaucoup de docteurs. Mon premier mariage n’était pas heureux, je m’entendais mal avec ma famille, je me sentais isolé… J’étais effrayé de l’attention qu’on m’accordait : quand quelqu’un était sympa avec moi, je ne savais pas comment réagir.
Est-ce encore le cas aujourd’hui?
Je sens qu’une tempête s’agite toujours sous mon crâne, toutefois je suis plus heureux. Je me sens déprimé de temps en temps, mais je comprends mieux pourquoi. La vie est plus confortable, mon second mariage se déroule mieux que le premier, et j’ai de nouveaux amis. Même si je suis toujours socialement handicapé…
Comment êtes-vous venu au dessin?
J’ai toujours aimé dessiner. Dès l’enfance, c’était ma seule façon de communiquer mes sentiments. Seulement mes parents m’empêchaient de le faire – mon père m’a toujours obligé à abandonner ce que j’aimais. J’ai suivi des études de littérature, pas de dessin. Du coup, je n’ai jamais travaillé cet art de façon formelle. J’ai dû développer ma propre technique. Je sais que mon trait est horrible ! À cause d ‘un problème physique, je vois aujourd’hui de moins en moins bien. J’entraîne donc mon dessin vers l’abstraction, pour pouvoir représenter les choses de mémoire, en les simplifiant.
Cela permet aussi au lecteur d’entrer plus facilement dans vos bandes dessinées.
Oui, j’essaie de ne pas l’effrayer, je tente même de le séduire. Ensuite, dès qu’il comprend la nature de mon propos, il regrette son erreur…
Sur quoi travaillez-vous actuellement?
J’accorde peu de temps à la BD. Après avoir été webdesigner pendant neuf ans, je suis devenu prof de bande dessinée à plein temps au Columbia College de Chicago. Je dessine surtout des couvertures pour le New Yorker, et je réalise seulement une ou deux pages de comics par an. Mais j’aimerais m’y remettre. L’année prochaine, j’ambitionne de m’attaquer à deux histoires : une sur mon enfance – j’ai passé mes huit premières années en Italie -, et une autre semi-autobiographique, sur mes problèmes avec les femmes.
Propos recueillis et traduits (de l’anglais) par Laurence Le Saux
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Misery loves comedy.
Par Ivan Brunetti.
Cambourakis, 23€, octobre 2009.
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Images © Brunetti / Cambourakis
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