J’ai rarement vu ça !
Gérard Menvussat pensait se détendre dans cet hôtel de luxe réputé. Que nenni ! Un meurtre a été commis ! Et pas n’importe lequel : c’est Marie Laverdure, artiste-autrice protéiforme, qui a été tuée. Gérard garde donc son imper et son chapeau mou et tente de débusquer l’assassin. Mais dans cet hôtel où la présence de la victime est encore palpable et étouffante, à travers les livres ou les tableaux, l’enquête prend vite des allures de parcours surréaliste…
Écrit par Mathieu Lefèvre (Quasar contre Pulsar), ce faux polar est un vrai délire humoristique, onirique et fantastique, au fil duquel le sol se dérobe littéralement sous les pieds du maladroit héros en même temps que la trame narrative explose dans les mains du lecteur. De cette intrigue saugrenue, appuyée par un texte concis, aiguisé et mystérieux, Jérémy Piningre (Toxic, à L’Association, avec déjà Mathieu Lefèvre) tire une narration horizontale entêtante, par de larges images pleines pages ou des cases étroites et tout en hauteur collées les unes aux autres, au sein d’un élégant format à l’italienne. Comme autant de cartes postales d’un monde déliquescent, dessinés dans un style déstabilisant : les décors sont plats, comme des vues en coupe des pièces de l’hôtel étrange, au sein desquelles les personnages paraissent évoluer tels des jouets bizarroïdes, personnifiés par un oeil géant ou une paire d’accessoires, croisant des éléments aux formes mouvantes ou au degré de détails détonnant. Le fond et la forme sont ici parfaitement en adéquation, et l’univers – bien qu’en noir et blanc – fait penser à des livres de Carlos Nine (Fantagas, Buster Mix, Tropikal Mambo), ou de son fils Lucas (Budapest ou presque) : des enquêtes vaines dans un monde foutraque, où les hommes se laissent mener par le bout du nez par des femmes futées, pour une conclusion des plus absurdes. Une curieuse expérience de bande dessinée, qui demande au lecteur une forme de lâcher prise.
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