Une jeune Coréenne débarque en France pour ses études. D’abord, pour des cours intensifs de français, avant de passer le concours d’une école d’art. C’est son objectif, son rêve. Mais découvrir une nouvelle langue, une autre culture, des us et coutumes parfois radicalement opposés à ceux de Corée, et le faire seule, c’est parfois presque insurmontable. L’intégration est à ce point compliquée que, malgré sa réussite scolaire, elle ne peut se voir autrement que comme une étrangère, une jeune femme à tête de chien au milieu d’humains qui ne la remarquent même pas !

Diplômée de l’EESI d’Angoulême, Yunbo livre ici un premier album très autobiographique, dans lequel, par petite touches d’une belle sincérité et un trait fin et léché, elle exprime la difficulté de s’expatrier. De s’inclure dans une nouvelle société, d’en apprendre les codes qui régissent les relations humaines, de prendre des risques, de se laisser aller sans trop se soucier du regard des autres, alors que l’éducation coréenne mise tout sur le travail et l’apparence. Son récit délicatement brossé, dans un rythme volontairement lent privilégiant la description des sentiments à celle du parcours proprement dit, n’élude pas non plus la question du retour : retrouve-t-on une place facilement dans un pays qu’on a quitté plusieurs années, quand on était une grande ado et qu’on revient adulte et diplômée ? Cette autre grande interrogation est plus largement développée dans Je suis encore là-bas, album jumeau signé du compagnon français de Yunbo, et qui sort en même temps. Un double projet intelligent et audacieux, qui met des mots et des images sur un tourbillon de sentiments rarement abordés. Bravo.