Je suis heureux par vengeance
Jean-Luc Coudray partage avec son frère Philippe le goût du paradoxe, cultivé dans l’humour léger et malin. Avec cet épais recueil de près de 300 pages qui regroupe tous les gags Béret et Casquette parus ou non, ceux du Guide philosophique de l’argent et du Malade, Jean-Luc Coudray fait montre d’un talent à saisir, dans de brefs dialogues aux mots choisis, la pensée espiègle ou lucide jamais avare en petites saillies subtiles et bien placées : « Qu’est-ce que la langue espagnole ? La langue française avec des fautes d’orthographe ! ». Béret et Casquette, personnages patibulaires doués de parole s’interpellent, se hèlent à l’envi pour mieux débusquer un travers ou une incongruité : « En évoluant, l’homme est passé de l’état de nature à l’état de culture ! Après avoir saccagé la nature, il saccage maintenant la culture ! ». Ah l’audimat…
Écologie, culture, athlétisme, religion, philosophie, politesse, littérature, l’auteur navigue avec bonheur entre cynisme léger, bon sens désarmant et mise à nu du grotesque le plus banal. L’exercice sémantique fait mouche sans flancher, et le monde révélé se fait lumière. Frais, opérant et ultra-efficace, l’humour et le don d’observation de l’auteur laissent pantois par tant de maîtrise et de finesse, d’autant que la porte laissée ouverte sur la réflexion se pare d’un regard poético-philosophique réjouissant, en couleur ou en noir et blanc. Finalement, difficile de trouver en France meilleur ambassadeurs que les Coudray pour éduquer à la culture du strip, largement lacunaire. Bref, c’est drôle et intelligent. Un régal donc.
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