Jean a vécu enfant aux États-Unis, mais sa famille est rentrée avec lui en France. Depuis, il rêve d’y retourner. Un fantasme qui hante ses rêves, et qu’il ne réalisera sans doute jamais. De son côté, l’Américaine Jane est fan de tout ce qui est français depuis qu’elle a reçu une petite boule à neige avec une Tour Eiffel dedans. Au cinéma, ces deux-là étaient faits pour se rencontrer et s’aimer. Et dans une BD ?

Pour bâtir ce projet singulier qui le taraude depuis ses études, Guillaume Chauchat a puisé dans ses souvenirs d’enfance, lui qui a passé quelques années à San Francisco. Il y a de lui dans le personnage du petit Jean, qui s’imagine en boucle l’atterrissage en Californie ou des dialogues avec des policiers ou des joueurs de base-ball, comme dans les feuilletons télé. Mais avec son goût pour les percussions d’images avec les mots et pour le minimalisme de l’expression graphique, l’auteur de Il se passe des choses va au-delà des références autobiographiques, et compose une histoire-puzzle oscillant entre l’introspection plastique et la comédie romantique. Il fait des allers-retours entre les personnages, use d’une voix-off confrontée à de grandes images oniriques voire surréalistes déformant corps et objets du quotidien, explore à fond son système visuel fait d’un trait épais noir et d’aplats de 4 couleurs (qui était déjà le parti-pris de La Villa nuit), s’amuse à ne dessiner que l’essentiel (voire moins!) dans ses cases, écrit en anglais sous-titré et en franças : Guillaume Chauchat propose une lecture active, une immersion totale dans son propos par un jeu graphique et textuel poussé. C’est d’abord déstabilisant, puis rapidement drôle, fascinant, et même émouvant. Il en ressort un livre assez unique dans son fond comme dans sa forme, magnifié par le travail impeccable des éditions 2024, dans ce grand format souple et accueillant, qui produit un effet curieusement attachant.