Le sous-titre pourrait faire peur, surtout pour une bande dessinée jeunesse : « librement adapté d’Une brève histoire de l’égalité de Thomas Piketty ». 140 pages monochromes sur un sujet économique ? Comment intéresser les ados avec ça ? C’est là toute la réussite de ce volume qui lance de fort belle manière la ligne d’adaptations d’essais de la nouvelle collection BD du Seuil jeunesse.

La bonne idée de la scénariste Julie Scheibling est d’avoir imaginé une fiction crédible pour illustrer l’analyse de Piketty sur les inégalités socio-économiques. On suit ainsi 5 élèves de 5e d’un collège de grande ville, au profil varié : les jumelles Olympe et Alba grandissent dans une famille très aisée ; Rémi est fils de restaurateurs asiatiques entièrement voués à leur métier ; Saël vient d’une famille de classe moyenne, de culture orientale, dont les parents sont en train de se séparer ; et Enzo vit dans une famille très modeste. Ensemble, ils vont devoir créer un projet éco-citoyen dans leur classe. Une bonne occasion de se serrer les coudes autour d’une belle idée, mais aussi de mettre au jour les différences de niveau de vie. Car entre celui qui hérite des baskets usées de son frère et celle qui empile les t-shirts à 100 euros, il y a tout un monde.

Au fil d’une chronique adolescente enlevée, faite de crush, de blagues, d’enthousiasme et de manque de confiance, et parfaitement mise en scène par le trop rare Quentin Vijoux (Eugène), au dessin si fluide, l’ouvrage illustre plusieurs situations d’inégalités sociales concrètes, et les complète avec une pertinente série de questions-réponses en fin d’ouvrage. Rien de tel pour susciter le débat en classe, ou pour faire prendre conscience des différences de niveau de vie des élèves qui fréquentent pourtant le même collège de la République. Positif et motivant, l’ouvrage offre aussi quelques pistes pour lutter contre les inégalité, à commencer par les actions de solidarité au niveau d’un quartier. Un album aussi malin que salutaire. Bravo.