Jirô Taniguchi est mort
Le dessinateur japonais Jirô Taniguchi est mort le 11 février, à l’âge de 69 ans.
C’était sans doute un des mangakas les plus connus du grand public français. Jirô Taniguchi pouvait ainsi se targuer d’avoir réussi à faire dévorer des BD japonaises à des lecteurs qui n’avaient jamais quitté le franco-belge, voire qui ne lisaient que peu de BD auparavant. En effet, le succès de Quartier lointain (prix du scénario à Angoulême en 2013, adapté au cinéma en France et au théâtre), de L’Homme qui marche ou du Sommet des dieux, n’a eu que peu d’égal dans le manga pour adultes en France. Du moins en termes de notoriété.
Mais Taniguchi n’était pas homme à fanfaronner. Il était tout en discrétion et retenue, comme il l’avait montré lors de sa venue au Festival d’Angoulême en 2015, qui lui avait consacré une très complète et riche exposition. « Ce qui m’anime désormais, ce n’est sûrement pas le désir d’accroître mon succès, mais l’envie de raconter et de dessiner des mangas qui m’importent vraiment », disait-il à Benoît Peeters dans un livre d’entretiens en 2012.
Né en 1947 à Tottori, Jiro Taniguchi est fils de coiffeur et de femme de ménage. Autodidacte, il se forme au dessin en lisant des shonen, puis des titres plus adultes, notamment le travail de Yoshihiro Tatsumi et le magazine Garo. Il devient assistant de mangakas à la fin des années 1960, notamment de Kazuo Kamimura. Il découvre alors la bande dessinée européenne, dont le style ligne claire lui fait forte impression. Après quelques commandes dans les années 1970, il prend son envol dans la décennie suivante et oeuvre dans différents genres : polar (Trouble is my business), thriller exotique (Enemigo), SF (Ice Age Chronicle of the Earth), aventure animalière (Blanco), alpinisme (K), boxe (Garoden), fresque historique et littéraire (Au temps du Botchan)…
C’est dans les années 1990 que son oeuvre prend une ampleur impressionnante et surtout une tournure plus personnelle. L’Homme qui marche – 1990 au Japon, en VF chez Casterman cinq ans plus tard, c’est le premier livre de l’auteur en France – met en scène un type qui se promène dans la ville ou la nature, et profite de ses balades pour réfléchir à la vie, en toute simplicité. Sa douceur, son regard paisible sur l’existence et la trace de l’homme dans son environnement, et son graphisme d’une grande finesse posent Jirô Tanigichi comme un conteur sans frontière, à même de toucher n’importe quel lecteur autour du monde. Feel good avant l’heure, sans jamais être pompeux ou trop contemplatif, le manga de Taniguchi est teinté d’une nostalgie non poussiéreuse et se veut optimiste. Un parti-pris qu’on retrouvera dans Quartier lointain, Le Gourmet solitaire, Un ciel radieux, Un zoo en hiver, Furari, Les Années douces, ou La Montagne magique.
L’autre oeuvre phare de l’auteur dans les années 1990 est sans aucun doute Le Journal de mon père. Un récit intimiste, dans lequel l’auteur puisera dans ses propres souvenirs et dans l’histoire du Japon. En 1997, Taniguchi collabore avec un auteur français, et pas n’importe lequel : Moebius, pour le one-shot Icare.
Aventure, western (Sky Hawk, Seton), saga montagnarde (le superbe Le Sommet des dieux), collaboration avec Jean David Morvan (Mon année), ou immersion au musée du Louvre (Les Gardiens du Louvre) marqueront les années suivantes, pour des récits souvent beaux, mais parfois moins forts ou répétitifs dans les thématiques ou la narration (Elle s’appelait Tomoji).
L’an dernier, un beau livre de dessins de Taniguchi était sorti chez Casterman, dans la foulée d’une exposition à Versailles. Mais pour mieux connaître l’homme et l’auteur, nous vous conseillons de regarder le chouette film de Nicolas Albert et Nicolas Finet, tourné pour le festival d’Angoulême, ainsi que la page de l’auteur sur le site de Casterman.
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