Joseph Falzon remue ses "Jours de cendre"
Son premier album, Jours de cendre, ne respire pas la gaieté. On y voit un homme devenue proie, dans une ville déchirée par une guerre, qui trouve refuge chez un fou. Mais la patte de Joseph Falzon, 26 ans, happe l’œil, son noir et blanc âpre et maîtrisé tient en haleine. Le jeune auteur raconte la genèse de son histoire sombre et ses débuts en bande dessinée.
Pourquoi ce désespoir, cette noirceur qui suintent de votre livre?
Ils se sont imposés d’eux-mêmes. Lorsque j’ai attaqué le scénario de Jours de cendre, je me suis nourri des histoires courtes que j’avais réalisées pendant mes études: la plupart traitaient de la mort et des regrets. J’aime travailler la peur, je ne sais pas pourquoi… Si jamais plus tard je n’arrive pas à me détacher de cette ambiance, il faudra que j’arrive à trouver d’où ça vient et à l’analyser !
Les premières pages de votre album montrent un homme dans une mégalopole, en haut d’une tour, bientôt heurtée par un avion… Forcément, cela évoque le 11-Septembre.
C’est ce que tout le monde me dit. Mais figurez-vous que je n’y ai pas pensé une seule seconde ! Ce n’est qu’après-coup, quand mes premiers lecteurs m’en ont parlé, que je me suis rendu compte de cette référence, certainement inconsciente. J’ai choisi un contexte guerrier, hyper violent, pour soutenir mon propos principal. Raconter un conflit ne m’intéressait pas, c’est pourquoi les camps représentés et la cause de la guerre restent indéterminés.
Qui est votre héros?
Je suppose que, partiellement, c’est moi. Mais il me sert surtout de personnage fonctionnel : il permet de rendre plus palpables les regrets, les remords et la peur qu’il éprouve. Le lecteur ne doit pas forcément s’identifier à lui, mais ressentir ses émotions.
Pourquoi avoir opté pour des cases muettes?
Cela appuyait mon propos. Tout tient ainsi sur l’image, il n’y a pas de texte pour rassurer ou guider le lecteur. Ce dernier se retrouve seul face à l’histoire, en plein malaise. Au début, j’avais écrit des dialogues mais ils sonnaient faux et étaient répétitifs.
Le noir et blanc s’est-il aussi imposé à vous pour accentuer l’ambiance ?
J’utilise cette technique depuis trois ans, elle me met à l’aise. Je ne ressens aucune attirance naturelle pour la couleur qui, de plus, n’aurait pas servi l’histoire.
Quelles sont vos influences ?
Plus jeune, j’ai notamment lu Akira d’Otomo et les premiers tomes de Gunnm de Kishiro, qui m’ont donné envie de construire un récit violent. Sinon, je suis féru des BD de Winshluss, qui parvient à faire surgir un humour noir terrible en racontant des histoires très fortes, très sombres. J’aime aussi les films à suspense comme ceux d’Alfred Hitchcock ou de Christopher Nolan.
Comment Jours de cendre a-t-il été publié ?
J’ai envoyé le projet à une dizaine d’éditeurs en février 2009. Sarbacane, dont j’apprécie beaucoup le catalogue, a dit oui en premier. Un mois plus tard, mon contrat était signé. Mais je n’imaginais pas que ce travail serait aussi long et ingrat… J’ai passé un an et demi sur ce livre, avec de grands moments de fatigue, qui m’ont poussé à tout arrêter pendant un mois. J’ai terminé avec quatre mois de retard, en dessinant à la fin 15 heures par jour !
Quel a été votre parcours, avant vos débuts en bande dessinée ?
Gamin, j’adorais dessiner mais étais nul à l’école. Après avoir obtenu de justesse un bac ES, j’ai suivi deux années de prépa artistique à Paris. Je m’étais convaincu que je ne ferais pas de la BD mon métier. Je suis parti en Belgique, à Saint-Luc, pour étudier le graphisme. Et puis, une fois sur place, j’ai changé d’avis : je me suis inscrit en bande dessinée. Cela m’a permis de rencontrer plein de gens intéressants, notamment de L’Employé du Moi, La Cinquième Couche et Frémok. Ensuite, j’ai publié quelques histoires sur le site Grandpapier.org.
Quels sont vos projets?
J’aimerais que ma prochaine BD soit moins irrespirable, plus légère. Mais en serai-je capable ? Je dois bientôt travailler sur un récit un peu fantastique avec deux scénaristes et deux autres dessinateurs, mais rien n’est encore très défini.
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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Jours de cendre
Par Joseph Falzon
Sarbacane, 19,50€, le 7 avril 2010.
Images © Sarbacane – Joseph Falzon.
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