Judge Dredd impose sa loi chez Delirium
Fans de comics, oubliez le médiocre blockbuster hollywoodien (1995) dans lequel Stallone incarnait une caricature de justicier. Et préférez-lui deux nouvelles collections lancées par l’éditeur Delirium dès cette année pour (re)découvrir les aventures de Judge Dredd.
L’anti-héros créé par John Wagner (A History of Violence) et Carlos Ezquerra (Preacher), apparu pour la première fois en 1977 dans la revue culte britannique 2000 A.D., refait donc surface avec un récit inédit, quarante ans plus tard : Judge Dredd – Origines. L’occasion de se familiariser avec l’un des héros les plus populaires et ambigus des comics, méconnu en France.
Pour décor, Mega-City One, ville futuriste surpeuplée et emmurée de la côte Est des États-Unis, dernière parcelle de « civilisation » gardée par une armée de juges froids, brutaux et autoritaires. Le plus implacable d’entre eux, Judge Dredd, fidèle à son idéal de justice, n’hésite pas à tuer pour faire régner l’ordre et la paix. Alors, héros moderne au service de la justice immédiate ou dangereux fossoyeur des libertés individuelles ? Judge Dredd, après la découverte d’une information sensible, est envoyé en Terre Maudite, zone irradiée post-apocalyptique où clones et juges vont découvrir les origines classées « secret-défense » du juge le plus cruel jamais vu…
Univers de fin de monde pour Judge Dredd – Origines qui oscille avec délice entre les genres : du faux polar au thriller politique en passant par la SF post-apocalyptique, les deux auteurs fourbissent un récit haletant, violent, jamais démonstratif ou trop didactique dès lors qu’il s’agit de poser le décor. Bien au contraire, le récit âpre avance au rythme des accès de brutalité des juges, des complots politiques et aventures héroïques de Judge Dredd, dont la personnalité charismatique perce déjà, mais victime d’un passé qui le dépasse.
Bien qu’un peu bavard par moment, l’album s’autorise une belle réflexion sur l’idéal de justice au regard des libertés : quid des libertés individuelles face à un système qui se radicalise, dictature fasciste instituée par des juges? Effrayant. Joli paradoxe qui renvoie à notre état d’urgence. Alors oui, il y a la loi, l’esprit de la loi et un homme – admirable ou détestable – chargé de l’incarner et de préserver certaines valeurs. Mais à quel prix ? Pas mal de surprises scénaristiques seront à même de contenter les fidèles de la première heure tandis que graphiquement, le chaos n’a jamais paru aussi menaçant sous le coup de crayon rugueux d’Ezquerra.
Alors on n’attend plus et on se lance dans cette magnifique saga, accessible aux néophytes, qui mêle aventure héroïque, réflexion politique et satire sombre, aux faux-airs de Mad Max et V pour Vendetta. Dans deux collections donc. La première consacrée aux inédits (les meilleures histoires récentes), dont le deuxième volume est prévu en août. L’autre – Affaires Classées – privilégiera la réédition des grands classiques de la série dans leur ordre de parution chronologique. Plus qu’une séance de rattrapage, ce volume édité avec soin annonce de beaux moments de lecture. Chaudement recommandé !
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Judge Dredd – Origines.
Par John Wagner, Carlos Ezquerra et Kev Walker.
Delrium, 23,95 €, mars 2016.
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