Judge Dredd, une intégrale implacable
Années 2099-2100. À Mega-city One, géante ville du futur infestée par le crime et en proie au chaos, le juge Dredd fait régner l’autorité d’une main de fer. Chantre d’une justice expéditive, sans pitié pour les criminels, il mène une redoutable machine de guerre, froide et cruelle. Un idéal, la justice et un outil, la Loi… Quitte à enterrer quelques libertés au passage. Incorruptible justicier des temps modernes, Dredd inspire à tous, assassins, enfants et adultes compris, un respect craintif : « Sois un gentil garçon Billy. Endors-toi vite, sinon Judge Dredd viendra te chercher… »
On avait dit tout le bien que l’on pensait de l’arrivée du juge le plus impitoyable chez Delirium. Et comme promis, ce sont deux sorties qui ont marqué la fin de l’année 2016 chez l’éditeur qui, comme à son habitude, livre un travail de réédition d’excellente facture.
C’est d’abord la préface de Pat Mills qui explore la genèse d’un personnage mythique de la bande dessinée britannique, méconnu ou incompris, en raison notamment d’une adaptation cinématographique hors-sujet (voir le film avec Stallone). Mais Judge Dredd, avant d’être un personnage, est « l’histoire d’une lutte pour de meilleurs contrats d’édition pour les créateurs ». D’où des récits naïfs ou un brin convenus au début. Dredd est donc un personnage charismatique, ambigu, dur et sans émotion, capable d’exécuter les individus qui jettent leurs ordures dans la rue… Un méchant qui fait le bien ou juste un policier fasciste, dangereux fossoyeur des libertés individuelles ?
Dans Judge Dredd, les Affaires Classées # 01, on (re)découvre donc l’inquiétant flic du futur sorti de l’imagination de John Wagner (A History of Violence) et Carlos Ezquerra (Preacher), dont les premières histoires ont paru dans le magazine de SF culte, 2000 A.D. (l’équivalent anglais de Métal Hurlant) en 1977. Au cœur d’une citadelle post-apocalyptique, Judge Dredd tente d’éradiquer l’engeance criminelle dans des récits nerveux et denses (5-6 pages), avec un peu de baston, d’action et de morale. Pas un simple défouloir pour auteurs en mal de sensations fortes, les histoires de Dredd, pleines d’énergie punk, développent des thèmes toujours d’actualité, quarante ans plus tard : les libertés individuelles sacrifiées sur l’autel de la justice absolue, la légitimité d’un État policier, la loi, la discipline et l’ordre comme remèdes au chaos…
Des histoires courtes, façon polar musclé, mais intelligentes qui, avec le temps, empruntent le chemin de la satire et de l’humour noir pour donner encore plus de profondeur au personnage et de la hauteur à l’épopée. Car c’est là tout l’intérêt de ce volume : présenter ces épisodes dans l’ordre chronologique et identifier une évolution, sous la plume de sept scénaristes (John Wagner, Pat Mills, Malcolm Shaw, Joe Collins…) et les crayons de six dessinateurs (Carlos Ezquerra, Ian Gibson, John Cooper…). Le « superflic » se révèle ainsi brutal envers les humains ou les robots. En noir et blanc surtout et quelques pages en couleurs pour conférer à l’album un sinistre éclat. Un volume incontournable donc.
Et pour ne pas faire les choses à moitié – Dredd n’aurait guère apprécié ! –, l’éditeur publie en parallèle un autre recueil contenant six histoires inédites de Judge Dredd. Des récits de clones, de passions entre androïdes et humains, sans oublier les tensions entre Dredd et ses proches, toujours dans un océan de crimes et d’instincts vils, à la croisée du polar et de la SF. Encore une belle et cohérente initiative éditoriale. Alors n’attendez plus, se confronter à Judge Dredd, c’est encore le meilleur moyen de le connaître. Pour enfin apprécier à sa juste valeur ce personnage culte de la BD britannique. Salutaire.
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Judge Dredd – Les Affaires Classées 01.
Collectif.
Delirium, 34 €, novembre 2016.
Judge Dredd – Les Liens du Sang.
Par Wagner, Ezquerra, Fraser, MacNeil.
Delirium, 22.90 €, août 2016.
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