Jusqu’au dernier
Dans une Amérique qui voit le chemin de fer se déployer à la vitesse du mustang au galop, les cow-boys à l’ancienne, ceux qui conduisent le bétail des champs aux abattoirs, sentent la fin de leur règne. Russell est l’un deux et décide de se retirer et de s’acheter un lopin de terre, accompagné de son fidèle bras droit Kirby, et d’un garçon un peu simplet qu’il a adopté. Sur leur route, ils vont passer par une bourgade paisible où cet ado trouvera la mort. Russell va tout faire pour se venger, mais se heurtera à un maire prêt à tout pour que sa ville demeure immaculée, afin d’accueillir le rail…
Rarement western crépusculaire aura aussi bien porté ce qualificatif. Sans déflorer les spectaculaires rebondissements de l’histoire, on peut simplement dire que Jérôme Félix n’y va pas de main morte pour brosser ce monde finissant, contraint parfois de tout brûler pour reconstruire sur des cendres. C’est une des caractéristiques des États-Unis, d’être née, plusieurs fois, dans le sang. Celui des Indiens, celui des esclaves noirs, celui des soldats de la guerre civile. Et là, celui des innocents, des coeurs purs aspirant à la paix et l’équité. Le scénariste trace ainsi des trajectoires funèbres, ouvre quelques portes d’espérance pour mieux les refermer, brutalement, développe des personnages certes un peu monolithiques mais pour mieux les utiliser comme archétypes de cet Ouest en mutation. Au dessin, Paul Gastine (déjà associé à Félix sur L’Héritage du diable) impressionne par son trait réaliste précis et expressif, dans un style léché un peu hors du temps, magnifié par un usage efficace de la lumière. Jusqu’au dernier se pose donc comme une des très bonnes surprises grand public de l’automne, dans un genre qu’on pensait éculé, mais qui, arpenté par sa face la plus aride, a encore beaucoup de sueurs froides à donner.
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