Un couple emménage dans un grand immeuble type HLM, en Russie. L’endroit est fonctionnel, raisonnablement propre et accueillant. Un voisin dénote pourtant un peu. Parce qu’il parle fort et bizarrement, possède un sens de la politesse et de la discrétion tout personnel, est tour à tour hyper serviable et dans les nuages. Parce qu’il boit un peu trop, traîne au bas de l’immeuble, laisse toujours sa porte ouverte. Qui est ce Kolya et de quoi souffre-t-il ?

Voilà une bande dessinée originale, par son sujet et surtout sa mise en scène. La jeune auteur russe Lida Larina, dont c’est le premier album, choisit en effet de composer son livre de planches de trois strips au cadrage toujours similaire : que ce soit le couloir, le palier ou le perron, elle présente son décor en plan large et ses personnages en pied. Comme un petit théâtre dans lequel elle fait évoluer les silhouettes de ses acteurs, au design inspiré de la technique du papier découpé. Sans visage, mais aux membres aux proportions changeantes, à la fois anguleux et souples, ils sont très expressifs. Dès lors, la rareté des dialogues ne gène pas la lecture ni la compréhension, les émotions passant par la gestuelle. Tel un voisin un peu voyeur, on observe alors ce Kolya vivoter, tomber amoureux, faire des crises de délire psychotique, se perdre, retrouver un semblant de paix intérieure… Un grand type dont la présence est souvent encombrante pour ses voisins, mais dont l’absence laisse aussi un grand vide… La « révélation » et la chute arrivent en même temps, laissant une drôle d’impression au lecteur, pas certain d’avoir suivi une comédie ou une tragédie, un exercice de style graphique ou un fin pamphlet de la société contemporaine russe. Sans doute un peu de tout cela en même temps, et c’est ce qui fait de ce Kolya une singulière découverte.