La Banlieue du 20 heures
Pourquoi l’image donnée des banlieues à la télévision est-elle si caricaturale ? Comment les journalistes construisent-ils leurs sujets ? Qui fait le montage final ? Qui sont ces artisans de l’information qui nourrissent chaque soir la grand messe du JT ? Ce sont ces questions auxquelles le sociologue Jérôme Berthaut a tenté de répondre par une enquête de terrain, parue en 2013. Et qui devient ici une bande dessinée.
On suit le personnage de Jimmy, diplômé d’école de journalisme, et qui vient de décrocher un CDD au JT de France 2. Chargé de suivre les banlieues, le jeune idéaliste peine à séduire ses supérieurs avec ses sujets trop flous ou trop complexes, et refuse même de tordre la réalité de son reportage sur les communautés face au terrorisme pour coller à l’angle choisi par la rédaction. Résultat, le placard ou presque. Jusqu’à ce qu’il comprenne les mécanismes qui régissent cette grosse machine à produire de l’info prémâchée qu’est le JT et rentre dans le moule…
Le constat est frappant et fait mal. Étayée et documentée, l’enquête de Jérôme Berthaut met en avant un fonctionnement vicié, un JT obsédé par l’audience, et des journalistes sortant des mêmes écoles et qui ne font que se copier les uns les autres. Avec une forte contrainte de temps pour ceux de la télé, obligés de pondre des sujets trop courts (donc parcellaires) en trop peu de temps. Et qui, face à une hiérarchie méprisante, se facilitent la vie autant que possible, avec le recours à des informateurs bancals et des angles caricaturaux. Car il faut bien garder son boulot dans une profession hyper concurrentielle, et car ils se disent que c’est le chemin de croix obligatoire pour espérer rêver mieux. Pour mettre en scène cette enquête, le jeune Helkarava, dont c’est le 1er album, insuffle un bon rythme et tord son trait pour bien camper ses personnages, hommes et femmes pressées, chefs compétents mais désabusés, jeunes recrues éreintées et résignées. Pas sûr que cela donne envie de devenir journaliste télé, mais l’album est une belle réussite, éclairante.
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