La Boîte de petits pois
Une banane rapportée de France. C’était la chose la plus extraordinaire qu’elle ait mangé de sa vie de petite fille. Et pourtant, avant ça, il y avait eu les petits pois. Un vrai privilège quand on grandit dans une Lituanie sous le joug de l’URSS. GiedRé avait 7 ans quand la Lituanie a proclamé son indépendance. L’autrice-compositrice-interprète a plutôt pour habitude d’utiliser sa voix sucrée pour chantonner des atrocités, dans un répertoire qui fait la part belle à l’humour noir. C’est sur un registre différent que se déroule La Boîte de petits pois, récit autobiographique dont elle consacre d’abord une grande partie à la vie de sa mère.
En tirant le fil d’un récitatif au ton espiègle, l’album balaie sans temps mort la vie quotidienne sous le communisme: les non-dits du quotidien, les files devant les magasins, la peur du goulag, mais aussi les façons les plus créatives de s’adapter à cet environnement, avec de vrais moments de partage vus à travers les yeux d’une petite fille, comme quand un camarade de classe ramène une gomme de l’étranger et qu’elle est coupée en autant de morceaux qu’il y a d’élèves. Parce que le père est fils d’apparatchik, la famille connaît aussi des moments privilégiés où ils peuvent habiter un appartement où tous les meubles vont ensemble et où les magasins sont achalandés en café et en petits pois.
Le ton décalé de ce récit en épisodes est très joliment porté par le dessin de Holly R, dont les pinceaux et les crayons de couleur se mêlent avec minutie, donnant à ce récit illustré une connotation à la fois joyeuse et surannée. De l’ensemble s’échappe une forme de nostalgie lucide, à laquelle on ne peut qu’être sensible.
-
Bonne BD de « témoignage », nuancée, contrairement à ce que l’on peut craindre de certains ouvrages sur l’ex-URSS.
Commentaires