La Cavale du Dr Destouches
Le vent tourne en cette année 1944 pour les nazis et les collaborateurs. Avec sa femme Lucette et le chat Bébert, le docteur Destouches fuit : Baden-Baden, Sigmaringen – repli du Maréchal Pétain et des vichystes – avec pour objectif Copenhague.
Destouches, c’est Louis-Ferdinand Céline, l’auteur sublime de Voyage au bout de la nuit. Christophe Malavoy, acteur et fin connaisseur de Céline, narre ici cet épisode biographique, documenté à partir de l’œuvre de Céline – la Trilogie Allemande – et des récits de Lucette. Il se tient au-dessus des polémiques qui tenteraient de dénaturer le talent de l’écrivain du fait, entre autres choses, de son antisémitisme. Il peut sembler cependant dérangeant d’être amené jusqu’à la nausée par le récit de cette fuite, où l’on croise une galerie de personnages repoussants.
En effet, le trait hallucinant et délirant des frères Brizzi confère à cette histoire une atmosphère post-apocalyptique d’un monde en déliquescence où des êtres, mi-grotesques, mi-tragiques, se débattent, comme l’acteur des Enfants du paradis, Robert Le Vigan, comédien et collabo. D’abord, on est happé par ce dessin puissant, cartoon ubuesque composé à partir des descriptions délirantes de l’auteur – on pense aux personnages de Rabelais ou aux peintures de Goya. Ensuite, on frise le dégoût à la vue de ces créatures méprisables qui vivent, à travers la chute du nazisme, la fin de leur monde.
Au final, on ne peut s’empêcher de penser à Salo ou les 120 journées de Sodome, dernier film de Pasolini, et on reste un peu perplexe, à la fois convaincu du talent des dessinateurs, mais persuadé aussi que cet ouvrage génère une gêne et un dégoût, voulus ou non, que Céline aurait certainement appréciés.
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