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La chic planète BD de Cleet Boris, alias Hubert Mounier

23 février 2011 |

cleetboris_introOn l’a longtemps vu affublé d’une houppette, lorsqu’il chantait avec L’Affaire Louis Trio. Star des années 80 (Chic Planète, Tout mais pas ça), Cleet Boris ne s’est jamais caché de son goût pour la bande dessinée, à laquelle il s’adonna un temps. Après la dissolution du groupe en 1999, il traverse un long désert puis compose sous son vrai nom, celui d’Hubert Mounier. Revoilà ce phénix sur le devant de la scène: il y défend un nouveau disque, La Maison de pain d’épice, dont il détaille la genèse dans une bande dessinée éponyme. Dans cette dernière – signée Cleet Boris -, l’artiste raconte aussi son alcoolisme, sa vie paisible en Ardèche, sa dépression après un licenciement, et enfin sa joie d’être père. Rencontre avec un homme de 48 ans au sourire canaille, qui assure être une « grande gueule solitaire ».

INT_JOURNAL DISQUE_01_FR_PG:0Comment ce livre est-il né ?
Je pensais avoir raccroché les gants de ce côté-là. Mais un ami dessinateur, Fabrizio Borrini, m’a conseillé d’appeler José-Louis Bocquet, éditeur chez Dupuis, pour parler bande dessinée. Je fus bien inspiré de le faire, puisque José-Louis voulait me proposer de raconter en BD la création de mon album en cours. J’ai évidemment accepté, c’était trop tentant d’être chez Dupuis, je réalisais un rêve de gosse ! C’était aussi l’occasion de rire de mes malchances et de mes coups de bol, et de montrer l’envers du décor. Peu de gens savent ce qui se passent avant la sortie d’un disque.

La Maison de pain d’épice est une bande dessinée autobiographique qui dévoile beaucoup de vous.
Je trouve que les secousses intimes font partie de la vie en général, et de celle d’un artiste en particulier. Plus jeune, je pensais qu’un créateur avait forcément une existence romanesque, avec beaucoup de hauts et autant de bas. Quand, comme ça a été mon cas, on vous reconnaît dans la rue à 24 ans, on se demande si le quotidien va toujours être aussi attrayant…

INT_JOURNAL DISQUE_01_FR_PG:Mise en page 1Que souhaitiez-vous partager avec le lecteur ?
D’abord, il s’agissait de me présenter, car les gens ne savent pas forcément qui je suis et ce que j’ai fait. J’ai donc posé le décor rapidement, en précisant que ma femme et mes enfants étaient au centre de ma vie. Je voulais aussi expliquer ce que c’était de faire une chanson, de montrer les aventures d’un compositeur parfois en panne d’inspiration.

Vous abordez sans langue de bois la façon dont votre complice Benjamin Biolay vous a laissé tomber au moment de l’enregistrement du disque. Sans crainte des conséquences ?
Entre temps, Benjamin et moi nous sommes parlé, et nous sommes toujours amis ! J’aime le risque, et je trouvais intéressant de ne pas être prudent dans mon récit. Je voulais évoquer de façon réaliste des soucis professionnels et amicaux que j’avais eus. Et donc être honnête, sinon ça n’en valait pas la peine ! Certes, dans la bande dessinée je balance deux-trois trucs désagréables [Cleet Boris étrille rapidement Madonna, Carla Bruni ou Cali], mais figurez-vous que je suis bien plus méchant en réalité. Si je m’étais représenté trop lisse, mes potes se seraient moqués de moi…

INT_JOURNAL DISQUE_01_FR_PG:0Comment avez-vous abordé la réalisation de cet album?
Pour moi, c’était un défi, j’étais très enthousiaste. Pas question de faire quelque chose à la va-vite. Je voulais me servir de tous les rouages possibles du médium, pratiquer l’ellipse, la caricature, le détournement de Tarzan ou Akim que je lisais enfant… J’ai d’abord écrit les vingt-cinq premières pages du scénario, puis j’ai continué dans une improvisation totale. C’était un peu angoissant de ne pas savoir où j’allais, car ce truc aurait pu tout aussi bien faire mille pages ! J’ai crayonné dans un état d’urgence. D’abord avec le sentiment de partir gagnant, puis les doutes se sont amoncelés. J’ai dû essayer d’être didactique, rectifier mon dessin, faire en sorte que mes tables tiennent debout…

INT_JOURNAL DISQUE_01_FR_PG:Mise en page 1Votre trait évoque un peu celui d’Yves Chaland. Est-ce à dessein ?
Il y a en effet une parenté assumée avec Chaland, que j’ai eu la chance folle de côtoyer [l’artiste a illustré la pochette du premier disque de L’Affaire Louis Trio], et Jijé. Ce sont mes maîtres.

Quel est votre parcours en bande dessinée ?
Gamin, je voulais devenir auteur de BD. Mon idole absolue était Gotlib, qui m’avait dessiné une coccinelle en 1975 au Festival d’Angoulême. Puis la musique a pris la place… Au début des années 80, j’ai vu Kent faire la couverture du magazine lyonnais Rock & BD, et j’ai voulu faire pareil. Pendant trois ou quatre ans, j’ai appris à dessiner en oeuvrant pour ce sous-Métal Hurlant. En 1984, j’ai réussi à publier quelques pages dans le vrai Métal Hurlant, sur un scénario de Kent. Ensuite j’ai raconté mes déboires musicaux dans J’ai réussi, avant Le Temple de la paix – Une aventure de L’Affaire Louis Trio en 1986. Après, je n’ai plus eu de temps pour la BD, la chanson prenait toute la place. Et puis mes comparses du groupe étaient un peu gênés par ce goût affiché, qui nous donnait une image de rigolos. Ils avaient envie d’une plus grande crédibilité… J’ai repris grâce à l’insistance de David Scrima, avec qui j’ai réalisé Superhéros en 1998. Cinq ans plus tard, une fois débarrassé de mon addiction à l’alcool, j’ai publié Créature chez Soleil, une suite imaginaire au Frankenstein de Mary Shelley. Cet album m’a aidé à rebondir.

INT_JOURNAL DISQUE_01_FR_PG:Mise en page 1Pourquoi signer votre dernier livre Cleet Boris, et pas Hubert Mounier ?
J’ai hésité, et mon éditeur a tranché. Dans les concerts, il y a toujours un bon vieux fan qui m’amène un bouquin de Cleet Boris… Il faut croire que ce personnage existe encore dans les mémoires.

Que lisez-vous en bande dessinée ?
Dernièrement, j’ai beaucoup aimé Asterios Polyp de David Mazzucchelli. J’ai reçu le dernier Blake & Mortimer à Noël, et j’achète des comics tous les mois chez mon marchand de journaux. Je connais tout de la vie des super-héros ! Je lis aussi les intégrales de Jerry Spring ou Gil Jourdan.

D’autres projets BD à l’horizon ?
J’espère avoir des idées, et j’attends des propositions. Aujourd’hui, ma vie est suffisamment sereine pour que ça fonctionne…

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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La Maison de pain d’épice – Journal d’un disque.
Par Cleet Boris.
Dupuis, 22€, le 18 février 2011.

Images © Dupuis.

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