La Dette
Benjamin Castano, roi du stand up, est humoriste et manie le verbe comme peu. Mais voilà, la crise économique sévit et le vent a tourné : largué, chômeur et fauché, il ne fait rire plus personne. Et cerise sur le gâteau, il sera bientôt sans domicile fixe. Car il doit solder une lourde dette au plus vite, sous 48 heures. Sans quoi il pourrait lui arriver des misères. En guise de rappel, l’employé du créancier lui intime l’ordre de trouver rapidement un emploi et surveille chacun de ses gestes. Accablé par le sort, Benjamin semble s’engouffrer dans une voie sans issue…
On avait laissé l’auteur espagnol Martin Romero (Les Épisodes lunaires) sur l’excellent Les Fabuleuses Chroniques d’une souris taciturne. C’est donc avec plaisir qu’on s’attaquait à La Dette, chronique dépressive d’un chômeur à la dérive, volontiers tragi-comique. Alternant entractes humoristiques et séquences désespérées, l’auteur décrit la trajectoire d’un homme seul, écrasé par le destin et rattrapé par les démons familiaux (une relation tendue avec la mère) ou amoureux (un échec sentimental). Quand la société, ou plutôt Big Brother, incarnée par un inquiétant joker à haut-de-forme, vous traque, le quotidien devient insoutenable, et la descente aux enfers inéluctable…
Critique du capitalisme et de la société du spectacle tout en montrant les misères de la mondialisation, La Dette avance aussi sur le terrain psychologique, en peu de mots et avec de belles évocations imagées. Quid du chômage à l’heure de l’injonction à rester dynamique ? L’auteur nous embarque sans problème dans son petit univers angoissant. Sans pourtant convaincre totalement. Car les intentions, trop visibles, et la construction, sans surprise, prennent le pas sur le propos, un brin convenu parfois. Parfaitement suggestive à certains moments, la narration graphique, poussée à ses limites, devient absconse ou peu explicite à d’autres. Mais touche le juste but quand elle aborde l’intimité de l’anti-héros ou sème une pointe de fantastique. Un constat égal pour le graphisme aux encrages profonds. Splendide en noir en blanc, le dessin cartoon ultra lisible tourne parfois dans le vide. Il ne manque donc pas grand-chose pour séduire pleinement, d’autant que le final en laissera plus d’un bouche bée. Si l’album a agi sur vous avant.
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