La Fabrique des corps
Sous-titré « des premières prothèses à l’humain augmenté », ce deuxième volume de la collection Octopus dirigée par Boulet s’intéresse donc à la manière dont l’homme a cherché, depuis l’Antiquité, à réparer les corps blessés, meurtris, amputés. Et comment ce domaine, à l’heure des nanotechnologies et de l’intelligence artificielle, pourrait conduire à un humain différent, aux performances physiques décuplées, voire immortel…
Héloïse Chochois, formée à l’illustration scientifique à l’École Estienne, s’était « Infiltrée chez les physiciens » pendant quatre mois, ce qui avait donné une BD reportage et une expo. Cette passionnée de sciences était donc l’auteure toute trouvée pour expliquer en dessins l’histoire des prothèses, de la jambe de bois aux théories transhumanistes. Pour ce faire, elle utilise un cobaye (un type lambda, amputé d’un bras à la suite d’un accident de la route) dialoguant avec un pionnier de la chirurgie : Ambroise Paré. Cet artifice narratif fonctionne à merveille, tant pour l’identification du lecteur néophyte – ici incarné par la victime – que pour le dynamisme du récit. On assiste ainsi à de petits cours d’histoire de la médecine, pleins d’humour et d’anecdotes intéressantes, entrecoupés de séquences, souvent muettes et émouvantes, où le récent amputé apprend à vivre avec un membre en moins. La ligne claire épaisse d’Héloïse Chochois, entre BD indé américaine et hommage à la gravure, sert le propos avec justesse et retenue, toute en suggestion. La mise en couleurs vient en aide de lecture : bichromie pour les chapitres sur le passé (rouge puis bleu puis vert), noir et blanc pour le présent, touches multicolores pour les réflexions sur le futur. Au final, tout est fait pour rendre accessible, ludique et passionnant un sujet qui pourrait effrayer au premier abord. Joli coup !
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