En 1994, Patrick de Saint-Exupéry (co-fondateur de la revue XXI) faisait son métier de reporter au Rwanda. Rencontrant une horreur indicible, celle d’un génocide. Vingt ans plus tard, il retourne dans ce pays martyre avec le dessinateur Hippolyte.

Ensemble, ils livrent avec La Fantaisie des dieux un témoignage choc, bouleversant. Dont la force vient non seulement de son sujet, mais aussi de son traitement: tenant à raconter précisément ce qu’il a vécu, le journaliste demande à l’artiste de restituer une vérité sans fard. Néanmoins subtilement livrée, à l’aide d’un trait souple et clair, et de couleurs douces.

Le récit fait alterner des séquences narratives informatives (l’arrivée des journalistes, leur rencontre avec des militaires et le voyage de tout ce petit monde, groupé), certaines proprement insoutenables (l’enthousiasme des tueurs devant l’arrivée des Français, leur façon extrêmement décomplexée d’annoncer les meurtres qu’ils ont commis, la peur panique des survivants, devenus des proies…), d’autres plus douces et introspectives. Parfois faussement apaisantes, comme ce travelling sur des collines tranquilles, qui se termine par un gros plan sur des cadavres charriés par une rivière, dans un monde où « les instituteurs tuent leurs élèves, et les policiers mènent la battue ». Un récit engagé – il dénonce fortement la responsabilité de la France dans ce massacre massif – qui vise terriblement juste.