La Favorite
Constance vit avec ses grands-parents, cloîtrée dans un manoir triste. La grand-mère est paranoïaque, humiliante, violente. Le grand-père est couard, fuyant, minable. Résultat, entre l’instruction à domicile, les interdictions de sortir jouer et les corrections au martinet, Constance est une enfant séquestrée, quasiment sans contact avec l’extérieur, avec cette France des années Giscard qui se modernise. Et le pire, c’est que Constance n’est pas vraiment Constance et que ses tortionnaires ne sont pas ses grands-parents…
Matthias Lehmann (L’Étouffeur de la RN 115, Les Larmes d’Ézechiel) propose un bel exercice de style sur un sujet de fait divers, en adoptant le point de vue unique de l’enfant maltraité. Dès lors, les révélations sur son identité et son parcours sont surprenantes, tout comme sa découverte du monde par-delà les murailles du manoir. Réflexion sur les thèmes de l’identité et de l’orientation sexuelles, de l’autre comme un miroir ou un soutien, de la filiation, de la perte d’un enfant, de la modernité galopante des sociétés occidentales des années 70…. Avec un usage malin des flash-back et surtout une belle maîtrise du noir et blanc – en mode gravure/carte à gratter –, Lehmann fabrique un petit monde inquiétant, et en même temps si tangible qu’il fait froid dans le dos. Dans une mise en scène parfois proche du strip, son livre manque toutefois d’intensité par moments, mettant peut-être une distance trop grande entre ses personnages et le lecteur. Mais l’album est original et bien mené, et mérite donc d’être découvert.
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Bravo pour les spoilers en tout cas…
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