La Fillette au drapeau blanc
En avril 1945, la guerre entre Japonais et Américains entre dans sa dernière phase, avant les bombes nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki. Okinawa, petite île tropicale nippone jusque-là épargnée, devient le théâtre de débarquements et de violents combats, sans pitié, de la part des deux camps. C’est là que vit Tomiko, six ans, qui, malgré la guerre et l’absence de sa mère, grandit heureuse entre un père aimant et une fratrie solidaire. Pourtant, quand les bombardements commencent à s’intensifier, et que son père doit partir sur le front, elle est contrainte de fuir vers le Sud, en compagnie de son frère et de ses deux soeurs. Il lui faut alors survivre et affronter les horreurs de la guerre.
Point de départ du projet, une photographie du militaire américain John Hendrickson : une fillette brandissant un drapeau blanc de fortune, une main lui protégeant le visage. En 1987, la petite fille d’antan sort de l’anonymat : Tomiko Higa se lance alors dans un récit autobiographique qui sera publié l’année suivante.
La mangaka Saya Miyauchi l’adapte dans un volume d’une grande sensibilité, qui n’épargne pas au lecteur les horreurs de la guerre, tout en évitant le voyeurisme. D’une grande fluidité de lecture, le récit suit l’enfant, dans ses pensées, dans ses actions. C’est avec brio que précisions historiques, fidélité au témoignage et dynamique narrative sont associées par l’auteure. Les cases défilent rapidement, créant un tourbillon d’émotions et d’actions, toujours au service de la dénonciation de la guerre, car ici n’émergent ni bons ni méchants.
Ce manga constitue un apport majeur à la compréhension de la souffrance des civils japonais lors du second conflit mondial. À hauteur d’enfant, ce témoignage peut être comparée au Journal d’Anne Franck. À noter que le récit fut d’abord publié au Japon dans un magazine destiné prioritairement aux adolescentes, révélant ainsi la nécessité de raconter l’Histoire aux jeunes générations, en choisissant les mots, les images. Car l’horreur des conflits ne peut pas juste se cacher derrière des chiffres qui ne dépeignent pas ce que furent vraiment les actes perpétrés par les deux camps dans ce conflit. Une belle leçon d’humanité, brillante et accessible à tous.
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