« La Forêt millénaire », un dernier Taniguchi touchant
Jirô Taniguchi est mort en février dernier, alors qu’il travaillait sur un album pour son éditeur français, Rue de Sèvres. Inachevée, La Forêt millénaire vient de sortir et sonne comme un émouvant « au revoir » d’un grand auteur japonais.
Jirô Taniguchi aura su marquer les esprits et faire parler presse et lecteurs, grâce à des œuvres intimes qui bouleversent sans artifice. Avec La Forêt millénaire, ce créateur au grand cœur laisse une ultime trace de sa volonté indéfectible de voir l’homme et la nature vivre en harmonie.
Wataru, un jeune garçon qui vivait jusque-là à Tokyo, est confié à ses grands-parents suite au divorce de ses parents et à l’hospitalisation de sa mère. Il se retrouve alors en pleine campagne, entre montagnes et forêts. Seul, il va explorer cet univers naturel enchanteur et entrer en symbiose avec lui. Voilà les prémices d’un récit entre douceur et bienfaisance.
Jugé trop intimiste au Japon, Jirô Taniguchi n’avait pas hésité à rester en dehors des sentiers battus, en avançant sur des histoires sensibles qui lui correspondaient vraiment. C’est alors le lectorat étranger, et particulièrement français, qui le conforta dans sa vision du métier. Bien loin de toutes contraintes éditoriales, qui broient bien souvent les artistes japonais, il signe ici un ultime livre de 72 pages en grand format à l’italienne, cartonné et en couleurs. Un volume qui tranche comme jamais avec le format asiatique le plus répandu.
Frappé par la catastrophe de Fukushima, l’auteur s’était confié sur les doutes et questionnements qu’il avait eus à propos de son travail, qui lui semblait finalement bien futile par rapport à ce que la nature pouvait infliger à la planète. C’est en réaction à cette tragédie que lui est apparu ce conte intergénérationnel porteur d’espoir, d’humanisme et d’écologie. L’amour et la précision avec lesquels il y retranscrit l’environnement naturel montrent à quel point il était pour lui une indispensable source d’inspiration et de vie.
Gravement malade, Jirô Taniguchi tenait à avancer sur cette dernière bande dessinée. Elle représentait pour lui une sorte de quintessence de ses thèmes de prédilections, et c’est en cela qu’elle est légitime. Les éditions Rue de Sèvres n’ont d’ailleurs pas lésiné sur les moyens : bien qu’inachevée, La Forêt millénaire jouit d’une édition sublime, qui propose notamment des croquis préparatoires et une postface éclairante de son agent, Corinne Quentin, et de son éditeur japonais, Motoyuki Oda.
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La forêt millénaire.
Par Jirô Taniguchi.
Rue de Sèvres, 18 €, septembre 2017.
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