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La Grande Guerre, du documentaire à l’imaginaire

30 juin 2016 |

Elle continue d’inspirer les auteurs, la Première Guerre mondiale. La voici de retour dans l’actualité avec les sorties du tome 10 de La Grande Guerre de Charlie, chef-d’oeuvre intemporel, et Maudite ! », recueil d’expériences graphiques et narratives à L’Association.

album-cover-large-29664Le bandeau bleu annonce le « dernier tome de la série référence sur la Grande Guerre ». Allons plus loin : La Grande Guerre de Charlie est bien un classique du genre de guerre, un monument de précision historique parfaitement digérée, transposée avec brio au medium BD. Avec des encrages impressionnants signés Joe Colquhoun et la narration parfaitement rythmée de Pat Mills, cette anthologie ne souffre d’aucun défaut, propulsant Charlie héros de la classe ouvrière.

Dans ce dernier volet, La Der des ders, les troupes américaines, les doughboys et autres Hell’s fighters débarquent en nombre sur le front occidental à l’été 1918 aux cris de « Lusitania ». Charlie Bourne, désormais promu caporal, accueille ses nouveaux camarades mais, entre la présence du dingo capitaine Snell, les tensions nées de problèmes de communication et l’âpreté des combats, la guerre se révèle toujours aussi maudite. D’autant qu’après l’armistice, le combat continue dans la Russie révolutionnaire…

Si ce n’est encore fait, jetez-vous donc sur cette fiction documentaire en dix volumes augmentée de notes, d’interviews et d’appareils critiques. Car après 10 volumes, un portfolio et une exposition au musée de Meaux, l’éditeur Delirium boucle un formidable travail de redécouverte patrimoniale, pour une BD à classer dans les incontournables. Pas de mythe ici, mais la vérité crue d’une guerre qui n’a pas fini d’hanter les esprits et les corps…

La Grande Guerre de Charlie #10. Delirium, 22 €.

mauditeDans le même temps, L’Association édite le recueil d’une vingtaine de propositions graphiques et narratives sur la Grande Guerre signé par une vingtaine d’auteurs français et étrangers, intitulé Maudite !. La préface de Vincent Vanoli justifie l’ouvrage par des impératifs mémoriels : « (…) Des témoignages, des photographies, des films, des récits, de la poésie, des pages de bande dessinée, resteront peut-être les ultimes garants de la mémoire effarée, terrorisée de cette horreur historique. Faut-il oublier ? (…) ».

Si tout semble avoir été dit, pensé ou écrit sur cette guerre, les auteurs, délaissant la stricte portée documentaire, font le choix ici d’utiliser cet événement historique comme un catalyseur d’imaginaires ou un ressort créatif. Pour outil, la sensibilité de chaque auteur mise au service d’un regard et d’une interprétation personnelle. Nylso s’interroge ainsi sur l’impossibilité d’écrire et dessiner après Tardi sans faire du Tardi, s’invitant dans la guerre par la tranchée et des « dessins poilus ». Le formidable Jochen Gerner imagine des cartes postales, Max Baitinger des jeux d’automates alors que José Parrondo et David B. enfoncent la porte des symboles. Les tons balancent entre humour noir, regard critique et gravité amusée, avec une fausse naïveté dans les traits parfois enfantins. Mention spéciale d’ailleurs à Lolmède qui réinvente le sens de la guerre lors de sa visite au Musée de l’Armée à Paris avec un humour bien acide (« en collaboration avec le Ministère de la Défonce et de la Boucherie organisée »).

Si le propos développé ici est finalement classique, Maudite ! se démarque surtout par son inventivité graphique qui permet de dépasser le discours attendu sur la vanité de la guerre, entre expressionnisme et symbolisme noir. La confrontation des imaginaires brosse ainsi le portrait  de « meurtrières absurdités » certes, mais offre surtout le panorama vivant d’un conflit encore obsédant, qu’il faudrait conjurer par l’art. Et rend hommage à quelques disparus. Le tout dans une belle cohérence.

Maudite !. L’Association, 20 €.

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