La Grande traversée
Kōhei Araki cherche un successeur. Cet homme voyant la retraite arriver n’a pas envie de laisser entre de mauvaises mains ce qui l’a animé toute sa vie : la création de dictionnaires. Par chance, il trouve la personne idéale dans un autre service de sa maison d’édition. Docteur en lettres méticuleux, exigeant, réfléchi, Mitsuya Majime a le profil idéal. Avec ses collègues, les voilà partis pour 13 années de travail au service de la langue.
Après une sortie passée quasiment inaperçue en France en 2019 aux éditions Actes Sud, le roman La Grande traversée de Shion Miura nous revient sous son adaptation en manga. Fort de son succès en critique et public au Japon, le titre décrochant notamment le prestigieux Grand Prix des libraires en 2012, celui-ci avait déjà été adapté en film dès 2013. Trois ans plus tard, on pouvait (re)découvrir l’histoire le temps d’une série d’animation de 11 épisodes de 22 minutes diffusés à la télévision. C’est justement à ce moment-là que débuta la prépublication de l’adaptation en manga par Haruko Kumota, mangaka qui avait déjà signé les illustrations accompagnant le roman original et qui venait de terminer la série qui la fit véritablement connaitre du grand public : Le Rakugo, à la vie, à la mort.
Même si le thème pourrait paraître particulièrement peu avenant, un livre comme La Grande traversée a bien des choses à nous raconter et bien des publics à séduire. Emplie de douceur, de bienveillance, d’amour des mots et de l’autre, cette histoire porte autant le regard sur les livres et les mots que sur les relations interindividuelles. Grâce à la traduction à la fois précise et délicate de Cyril Coppini ainsi qu’à l’adaptation minutieuse de Sébastien Raizer, on est à la fois plongé dans cette longue expérience professionnelle qu’est l’élaboration d’un dictionnaire de 230 000 entrées, toutes les tergiversations lexicographiques que cela entraîne, et aussi dans les échanges intimes qui naissent entre des personnages qui se découvrent. L’élégance du trait de Haruko Kumota adjoint plein de charme et de tact à cette tranche de vie qui s’écrit sur le long terme. Sa sobriété se marie parfaitement avec le ton posé et retenu de ce récit qui lie joliment le cœur et les mots.
© KUMOTA Haruko / Kôdansha – Traduction : Cyril Coppini
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