La Grosse Laide
Il n’y a jamais eu autant de personnes en surpoids qu’aujourd’hui. Pour autant, l’image qu’elles renvoient à ceux qui ne le sont pas (encore ?) n’a certainement jamais été aussi repoussante. Un peu comme si tout un chacun se battait contre les autres pour être celui qui ne sera pas perçu comme le plus gros, le plus hors-norme, le plus gênant. Dans la société contemporaine, il faut être mince. Il faut être beau. Et cette minceur est d’ailleurs souvent liée à cette beauté. Marie-Noëlle Hébert le sait, le subit, depuis des années et des années. En surpoids depuis son plus jeune âge, elle a enduré de plein fouet cet amalgame que l’on fait entre la corpulence et la beauté. À présent, elle en a ras-le-bol, de cette situation, de cette solitude, de l’enfermement dans lequel la société l’a contraint malgré elle.
Dans cette bande dessinée cathartique, elle revient sur son enfance, les horreurs qu’elle a subies et les difficultés qu’elle a dû traverser, en société et même en famille. Les petits mots, les grosses insultes, les tenues que les autres mettaient et qu’elle ne pouvait pas porter sans devoir supporter des tortures physiques ou des remarques désobligeantes sur ses formes. Alors, forcément, quand on encaisse toute cette violence au quotidien, on souffre beaucoup. On se déteste. La volonté d’en finir n’est jamais loin. Comment fait-on pour se construire dans ce cas-là ?
Pour mettre en image cette histoire intime et déchirante, Marie-Noëlle Hébert prend ses crayons et couche sur le papier son passé. Ses nuances de graphites qui emplissent les pages laissent peu de place au blanc et révèlent une patte graphique au réalisme troublant. Se nourrissant de la haine qu’on lui portait, son bouleversant témoignage est celui du harcèlement, de la grossophobie et de la souffrance intense qu’elle a éprouvée des années durant. Son livre est une lecture importante, finalement porteuse d’espoir, et qui rappelle ce que l’on sait tous déjà, mais que d’aucuns oublient trop souvent : il est primordial de respecter les autres, de dépasser le jugement premier et aussi d’apprivoiser son corps… Grandir n’est pas écraser son prochain, être mince et belle n’est pas une finalité, le plus important est déjà d’accepter, de s’accepter et de se faire accepter comme l’on est. Facile à dire, certes.
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