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La Guerre des autres

17 septembre 2018 |
SERIE
La Guerre des autres
DESSINATEUR(S)
SCENARISTE(S)
EDITEUR(S)
PRIX
24 €
DATE DE SORTIE
05/09/2018
EAN
2849533157
Achat :

Avril 1975. La guerre civile au Liban éclate. À Beyrouth, la famille Naggar vit la dolce vita libanaise dans l’effervescence culturelle du début des 70’s. Mais le climat politique se tend, et la capitale devient rapidement synonyme de bombardements et de destructions.

Dans la longue litanie des conflits du Moyen-Orient, le Liban aurait pu faire figure d’exception. Celui qu’on surnommait « la Suisse du Moyen-Orient », connaissait un calme relatif. Ce petit pays reconnaissant l’existence de différentes religions au sein de son gouvernement, il semblait alors que la convivencia politique pourrait régner éternellement entre chrétiens maronites, druzes, sunnites, chiites, grecs-catholiques… Sous l’oeil vigilant de quelques grandes puissances, dont la France, le pays semblait prospérer en cette époque de décollage économique.

la_guerre_des_autres_image1Les grains de sable dans ce rouage à l’apparence bien huilé étaient déjà bien en place : une société surveillée, surtout moralement, une milice chrétienne intolérante vis-à-vis des musulmans, des camps de réfugiés palestiniens au Sud Liban – terreau favorable aux actions de l’OLP –, une armée libanaise attentiste, un pouvoir corrompu et un voisin, Israël, qui menace l’intégrité territoriale libanaise sous le prétexte de la présence des réfugiés palestiniens massés à la frontière. En gros, une poudrière libanaise prête à exploser au sein même du brasier proche-oriental. En avril 1975, la guerre éclate. Elle durera 15 ans. La paix reste, encore de nos jours, précaire.

La famille Naggar est composée de cinq membres : la mère, férue de théâtre et amoureuse de son ami gay ; le père, libraire et séducteur ; les enfants, trois grands ados, mordus de ciné et de contre-culture. Ils sont chrétiens, ont fui l’Égypte, hostile aux chrétiens après l’affaire de Suez. L’exode est dans l’ADN de la famille car, en tant que chrétiens, ils sont souvent considérés comme une minorité, et en subissent les exactions. Au Liban, ils espèrent trouver un peu de sérénité. Pourtant la religion, c’est pas le truc des Naggar : ils sont plutôt athées, mais dans le Liban du début des années 70, la religion est obligatoirement inscrite sur la carte d’identité. On les suit ainsi avec bonheur dans ce bouillonnement qui agite leur vie : musique, cinéma, amour… Hélas, les tensions ne sont jamais loin : des quartiers enclavés dont le camp de Sabra (qui deviendra tristement célèbre en 1982), des discussions politiques vives, le rôle des milices, et l’armée, obligatoire, qui attend l’aîné de la famille.

C’est avec une réelle envie de raconter ses souvenirs que Bernard Boulad nous emmène dans cette famille qui est la sienne même si les noms, pour la plupart, sont changés. Une douce nostalgie baigne cet album, impression renforcée par cette presque bichromie pastel et le trait aéré de Paul Bona et Gaël Henry (Jacques Damour, Alexandre Jacob). Comme l’évocation d’un paradis perdu, celui de l’enfance et de l’adolescence de Bernard Boulad, mais aussi d’un pays qui ne fut pas toujours la victime de bombardements, comme le prouve le bel ouvrage de photos, sur lequel travaille le père Naggar. Pourtant le scénariste ne se laisse pas entraîner par une mémoire hypermnésique et sélective, il a conscience des failles du Liban, des guerres intestines, du communautarisme qui gangréna la société libanaise de l’époque. Un regard intelligent et salvateur, pour un ouvrage qui allie lecture géopolitique, enjeu de mémoire et chronique familiale de manière enthousiasmante.

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