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La Nuit mange le jour

31 juillet 2017 |
SERIE
La Nuit mange le jour
DESSINATEUR(S)
SCENARISTE(S)
EDITEUR(S)
COLLECTION
PRIX
22.50 €
DATE DE SORTIE
21/06/2017
EAN
B072LVF3FZ
Achat :

Quand Thomas – frêle, banal, sans aucune confiance en lui – rencontre l’imposant Fred, il laisse ce dernier mener la danse. Dans le sexe, d’abord. Et tout se passe pour le mieux. Thomas s’épanouit, dépasse ses appréhensions, connaît le plaisir. Mais il est de plus en plus obsédé par l’ex de Fred, Alex. Un éphèbe au regard ambigu, représenté dans de nombreux clichés artistiques et quasi SM pris par Fred. Thomas questionne son amant, découvre d’autres images violentes (et en fantasme d’autres, pire encore), et va tout faire pour ressembler à l’ex, pour satisfaire Fred, dans un vertigineux tourbillon de pulsions morbides. Jusqu’où ira-t-il dans l’avilissement de soi? Fred le manipule-t-il pour en faire son objet? Ou bien est-ce l’inverse? Et puis, qu’est devenu Alex, dont plus personne n’a de nouvelles ?

la_nuit_mange_le_jour_image1Hubert, le talentueux et prolifique scénariste des Ogres-Dieux ou Monsieur Désire?, publie là une histoire qui a germé dans sa tête voilà 20 ans. À l’époque où il était lui-même, selon ses mots, « borderline », et suivait une thérapie. C’est en effet une romance pas comme les autres qui est décrite ici, une histoire d’amour et de mort, troublante, brutale, plus souvent noire que lumineuse. Hubert et le dessinateur Paul Burckel enchaînent des séquences explicites mais jamais bêtement pornographiques ni parodiques, loin des clichés gays. Les scènes de sexe sont frontales, torrides, un peu tendres, sauvages surtout, soulignées par la différence de gabarit entre l’artiste Fred et le petit Thomas qui ne demande qu’à être aimé. Puis, à mesure que Thomas perd pied mentalement, elles deviennent sordides.

Curieusement, en même temps qu’elle se transforme en la chronique d’un naufrage psychique, l’histoire prend peu à peu un virage de genre. Thomas enquête sur la disparition d’Alex, pour mieux comprendre les fantasmes de son homme et les reproduire. Pour gagner son amour, définitivement, même s’il soupçonne un meurtre. Faux-semblants, portes fermées, secrets dans les placards, regards menteurs, un suspense quasi-hitchockien s’installe, porté par le noir et blanc tranché et expressionniste de Burckel, ponctué de visions onirico-morbides au crayon. Mais sans que l’album perde jamais son ton réaliste. C’est bien là sa principale prouesse, avancer au-dessus d’un vide vertigineux sur un fil de plus en plus ténu et glissant. Sans jamais tomber, sans jamais faire de concession, sans jamais choquer gratuitement ni laisser de porte ouverte à une interprétation scabreuse. Encore une fois, Hubert s’attaque à des sujets quasi jamais lus en bande dessinée et apporte une vision d’auteur humble, pertinente, accessible (enfin, ici, pour adultes avertis, tout de même). Ce qui en fait certainement l’un des plus intéressants scénaristes de sa génération. Ses livres, et celui-ci en particulier, secouent et interrogent. Et en cela, ils sont rares et salutaires.

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