La parodie dessinée s’expose au Musée de la BD, à Angoulême
Avec humour, la parodie détourne, pastiche, ridiculise. Elle a inspiré au Musée de la BD à Angoulême une exposition, « Parodies, la bande dessinée au second degré ».
« Selon la définition courante, la parodie imite une œuvre sérieuse en lui infligeant des transformations burlesques ou satiriques », rappelle Thierry Groensteen, commissaire de l’expo. Dans un ouvrage paraissant à l’occasion de cet événement (voir au bas de l’article), il explique que, « longtemps, la bande dessinée a pu parodier les « arts majeurs » avec l’impunité d’une forme réputée mineure, dont on n’attendait pas qu’elle rivalisât avec eux; cette position du cancre lui procurait somme toute un certain confort, une liberté de ton sans limites ».
L’exposition entend en faire la preuve, abordant son sujet via quatorze espaces thématiques et cinq focus sur des personnages précis, souvent parodiés (Tarzan, Robin des Bois, Sherlock Holmes, Conan le Barbare et Harry Potter). On attaque ce parcours par un angle historique, qui présente des documents anciens – la revue La Parodie d’André Gill ou les représentations comiques d’Alexandre Dumas ou de Bonaparte en Egypte par Cham. S’y mêlent des posters des Simpsons, s’inspirant du dessin animé disneyien La Belle et le clochard ou de La Vague d’Hokusai. Après un panneau dédié à Mad, magazine américain hilarant – créé en 1952 par Havey Kurtzman, qui en écrivit seul les 23 premiers numéros ! -, Gotlib, l’auteur le plus présent dans cette exposition, croque un Tarzan vaquant à ses occupations quotidiennes tous muscles dehors, à la manière de Burne Hogarth.
Assez spectaculaire, l’espace consacré à la peinture montre Le Jocon de Philippe Geluck, soit une toile de 2×3 mètres remplaçant le visage énigmatique de Mona Lisa par le nom moins énigmatique minois du Chat. On y admire aussi les réalisations du collectif Interduck, qui sème Donald Duck dans des imitations des œuvres de Rembrandt, Mondrian ou Lichtenstein. Publiées dans Pilote en 1973, les planches de Jean Ache (Les Débutants célèbres de la BD) détournent de façon bluffante les styles de Miro, Buffet, Mondrian et Picasso, racontant quatre fois le début du Petit Chaperon rouge.
Place ensuite aux récits mythologiques ou historiques, aux classiques littéraires et aux contes. Les dessins de jeunesse de Gustave Doré (Les Travaux d’Hercule, réalisés en 1845 à 15 ans) côtoient De Gaulle à la plage de Jean-Yves Ferri ou Jehanne d’Arc de F’murrr. Plus loin, l’Américain Robert Sikoryak – ancien secrétaire de rédaction de Raw, le magazine d’Art Spiegelman et Françoise Mouly – mélange La Métamorphose de Kafka et les Peanuts de Schultz, ou encore L’Etranger de Camus et une aventure de Superman, tandis qu’Yves Chaland résume Madame Bovary en une page.
Le cinéma et la télévision ne sont pas oubliés, avec L’Exorciste à la sauce Gotlib ou des parodies de Casablanca ou d’Autant en emporte le vent par des dessinateurs italiens de l’écurie Disney. Plus étonnant, l’espace consacré au « moment situationniste », qui met en avant le détournement d’images tel que le pratiquèrent les dadaïstes ou Lautréamont.
L’exposition s’attelle ensuite à démontrer à quel point la BD peut rire d’elle-même, érigeant certains personnages en classique. Des nombreuses parodies d’Astérix, de Tintin ou des Schtroumpfs (érotiques ou non), aux super-héros ridicules (le franchouillard Superdupont, créé par Lob et Gotlib, ou Superman en Suisse, installé sur un paysage peint très ennuyeux par Florence Cestac). On termine la visite en s’intéressant à la parodie de genre – le western, le polar, la science-fiction… -, et enfin en visionnant un film laissant la parole à Daniel Goossens, René Pétillon et Robert Sikoryak.
Bénéficiant d’une scénographie sobre, cette exposition érudite enchante son visiteur, qui peut y observer quelques bijoux brièvement commentés. Toutefois, et même si son but n’est pas d’atteindre l’exhausitivité, on regrette qu’elle ne consacre pas une place plus conséquente aux Requins Marteaux, éditeur pourtant adepte des pastiches (dont on ne repère que la couverture de Santa Riviera), et qu’elle occulte certaines séries actuelles – notamment celles de Pierre Veys, scénariste de Philip et Francis, Malgret, Hercule Potiron…
Laurence Le Saux
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Exposition Parodies, la bande dessinée au second degré
A la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, jusqu’au 24 avril 2011.
121, rue de Bordeaux, Angoulême. 05 45 38 65 65.
Du mardi au vendredi de 10h à 18h, samedi, dimanche et jours fériés de 14h à 18h.
Tarif : de 4 à 6,50€.
Parodies – La bande dessinée au second degré
Par Thierry Groensteen.
Editions Skira/Flammarion, 32€, novembre 2010.
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Photos © BoDoï / CIBDI.
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Pour le portrait de Marge, il s’agit d’une parodie tirée de quoi?
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