Qui aurait pu imaginer qu’en cette jolie matinée de l’année 1862, dans un sympathique village du Jura, la talentueuse cuisinière Eugénie trépasse sans prévenir, de retour du marché ? Son employeur, le terrible gourmet Dodin-Bouffant est ivre de chagrin. Et surtout, il se désespère de trouver une remplaçante à celle qui le régalait de ses créations culinaires et de son savoir-faire autour des produits du terroir. Mais un jour, une certaine Adèle va l’ensorceler avec des pommes de terre fourrées à la queue de boeuf, saint-marcellin doré, sauce aux morilles et vin jaune…

En adaptant le roman de Marcel Rouff publié en 1924, Mathieu Burniat (Shrimp) fait bien plus que surfer sur la vague gastronomique qui a envahi le paysage médiatique depuis quelques années. Car rares sont les livres qui vous mettent autant l’eau à la bouche, même si vous le lisez après un repas copieux. Dans un registre très différent de Délices, ma vie en cuisine ou En cuisine avec Alain Passard, cette fiction obtient la même folle réussite : exciter les papilles par quelques mots bien choisis et des dessins évocateurs. En plongeant dans ce livre au dessin vif, expressif et chaleureux, soutenu par un intelligent jeu de couleurs douces, on se laisse enivrer par les effluves de château-chalon, les parfums subtiles d’un potage complexe, les surprises des fritures de Brillat-Savarin… « La cuisine est une oeuvre de choix qui veut beaucoup d’amour », explique le gourmet Dodin-Bouffant. Mathieu Burniat l’a bien compris, et brosse une romance originale et sensorielle, impeccablement rythmée, où le coup de foudre d’une fine gueule au caractère d’ours pour une rondelette paysanne s’embellit de trouvailles culinaires. Tout simplement délicieux.