La Saga de Grimr
« Maudite Islande, sublime Islande… » Les mots du poète résument bien le ton et le contenu de ce récit, dans lequel un jeune garçon va tenter de surmonter la colère de sa terre et la haine des hommes pour prouver sa valeur et simplement devenir quelqu’un. Grimr n’est ainsi qu’un gamin quand il perd sa famille lors d’une éruption volcanique. Récupéré et élevé par un escroc, il se révèle d’une force herculéenne et sait dans son coeur qu’il a la capacité de devenir un véritable héros. De ceux dont on chante les exploits dans les « sagas », année après année. Hélas, quand on est le fils de personne, le destin, ou plutôt les hommes ne vous laissent pas devenir autre chose.
Livre après livre, Jérémie Moreau prend son essor et sa signature devient celle d’un auteur qui compte. Contrairement à son héros, lui est en train d’écrire sa propre saga. Après avoir illustré Le Singe de Hartlepool sur un scénario de Wilfrid Lupano, tiré le portrait d’un tennisman génial et sensible dans Max Winson, et adapté avec fougue et tendresse un roman jeunesse (Tempête au haras), le voilà qui s’attelle à une épopée de 230 pages sur la terre hostile et fascinante d’Islande. Une Islande du XVIIIe siècle sous le joug danois, une île volcanique pelée et miséreuse, qui chante les héros et leurs hauts faits pour ne pas sombrer et entretenir une forme d’espoir. Son héros est un paria, un gamin intelligent et fort qui est bien décidé à gagner par lui-même la confiance et la bienveillance de ses congénères, villageois bas du front et craintifs. Ce one-shot est donc un récit initiatique en même temps qu’un conte nordique, une aventure singulière autant qu’un poème sombre. Palpitante, poignante, surprenante, cette histoire prend corps page après page dans un trait d’une rare expressivité, renforcé par un découpage jamais ronronnant, des cadrages justes et une palette de couleurs travaillées avec subtilité. On souffre, on tremble, on pleure avec Grimr, on s’énerve aussi contre lui. Mais on ne peut au final que chanter haut et fort la beauté de sa saga, et le talent de Jérémie Moreau.
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