La Septième Arme
À cheval entre l’essai politique et l’enquête journalistique, La Septième Arme raconte l’histoire de la doctrine dite de la « guerre révolutionnaire », à l’aide d’interviews de spécialistes, chercheurs et profs d’universités. Élaborée par l’officier français Charles Lacheroy dans les années 1950 en Indochine, cette doctrine militaire est une réponse à une situation d’insurrection et de guérilla. Elle est totale, ultra-violente, et fait de la population civile à la fois l’enjeu, l’arme et la victime. Son efficacité est avérée – comme en témoigne la bataille d’Alger, gagnée grâce à son application. Mais un problème de taille existe : « La doctrine de la guerre révolutionnaire est cannibale : ceux qui s’en servent finissent pas se manger entre eux. » Pour cette raison, on cesse de l’enseigner dans les écoles militaires françaises à la fin de la guerre d’Algérie. Elle a pourtant survécu, et a enfanté depuis 2001 du concept de « guerre contre le terrorisme ».
Si le journaliste indépendant David Servenay (Une Affaire d’État) remonte ainsi dans le temps, c’est pour mieux nous montrer les traces de cette doctrine « cannibale » dans le débat public, en France, principalement depuis les attentats de Charlie Hebdo. Et le danger, insidieux mais parfaitement crédible, d’une dérive autoritaire de notre démocratie, sous un prétexte sécuritaire.
En revanche, le propos, bien qu’exigeant et passionnant, manque de clarté dans la démonstration. Lorsqu’on passe d’un sujet à l’autre, il faut ainsi s’accrocher pour saisir certains liens logiques, qui restent plus sous-entendus qu’exprimés directement, ce qui rend les choses difficile à démêler. La faute peut-être à une narration sentencieuse, au ton catégorique, et à une ambiance de complot par ailleurs très réussie. On savait que le dessinateur Jake Raynal excellait dans le mystère (que le sujet soit sérieux comme pour Cambrioleurs, ou parodique, comme avec Les Nouveaux Mystères) et l’on n’est pas déçu. Il pousse son minimalisme dans de nouveaux sommets, tant dans le dessin que dans la mise en scène et la mise en page, et donne à l’ensemble un ton à glacer le sang.
La Septième Arme est donc un ouvrage d’un grand intérêt, brûlant d’actualité et bourré d’informations, mais à aborder avec du recul.
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