La Terre de glace
Trois individus nonchalants, masqués, débarquent dans un désert de glace infesté de requins et de cadavres. Munis d’une photo, ils doivent retrouver un quatrième homme dont on ignore tout. Sur leur chemin, ils vont croiser des locaux peu amènes, des robots, des mutants zébrés… Avant que tout n’explose : le bar d’à côté a fait boom dans un fracas étourdissant. Nuages de fumée et projectiles de glace vont alors brouiller l’image d’un monde à la dérive…
Le premier volet de cette trilogie signé Yuichi Yokoyama, La Salle de la mappemonde, nous avait déroutés puis charmés. On attendait donc beaucoup de La Terre de glace. Et sans surprise, c’est encore l’étrangeté qui plane sur cette chose qui a des airs de SF expérimentale, sans début ni fin. L’album creuse donc une ambiance de fin de monde saturée de sons, noyant le sens des mots dans un chaos assourdissant : ça souffle, ça hurle, ça pétarade. Reste des personnages au sourire carnassier, froids et détachés, sortes de requins sevrés de violence, émergeant d’une banquise en train d’exploser.
Vouloir trouver un sens à tout prix serait vain ici. Mieux vaut se laisser bercer par les nombreuses audaces formelles, catalyseurs de récit : pages illisibles créant la confusion, onomatopées lancées comme des boomerangs, découpage en kaléidoscope…Il en ressort une urgence et une tension d’autant plus fortes qu’on ignore tout de la quête. Pas de passé, pas d’avenir, pas d’origine, pas d’horizon. Et pourtant, impossible de lâcher cet ovni à l’atmosphère poisseuse qui oscille entre le détachement étonnant des personnages et l’hystérie d’un présent d’où sourd une violence terrible. Le danger est bien là mais personne ne s’en inquiète. Chacun semble suspect, le monde n’est plus que confusion et la survie un baromètre de relations sociales anesthésiées. Voilà finalement un plan-séquence qui donne le tournis. Et qui parvient à donner un sens au chaos. Impressionnant. A suivre dans la dernier volet.
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