La Vie d’artiste
La quatrième de couverture présente un savoureux dialogue entre deux personnages couverts de plumes :
- Une guerre, ça se gagne pied par pied, pouce par pouce. Tu te bats pour ton œuvre, tu te bats pour ton art.
- Et je lutte contre quoi ?
- Ah ça, c’est pas moi qui vais te dire quoi faire.
Entre le titre La Vie d’artiste, l’humour subtil de la quatrième de couverture et la réputation de l’album (finaliste du prix des libraires du Québec), le lecteur s’attend à vivre une épopée intellectuelle passionnante. Il a hâte de rencontrer les sept artistes de la scène québécoise susceptibles d’éclairer les questionnements existentiels de l’autrice : qu’est-ce que ça fait d’avoir des amis qui réussissent ? Les expériences des autres nous sont-elles utiles ? Comment créer quand on est une femme, une mère, une fille ? etc.
Malheureusement le résultat est décevant. L’artiste mêle sa vie privée (séquences du quotidien avec sa fille, avec sa mère) sans que cela enrichisse particulièrement le propos. Les dialogues recueillis auprès de ces professionnels sont intéressants mais sont comme éteints par la mélancolie de l’autrice ou noyés par son besoin de tout dire. La captation des dialogues « comme dans la vie réelle » est un peu ennuyeuse et on est susceptible de lâcher plusieurs fois le récit pour reprendre un peu de souffle.
Par contre, le dessin très libre qui mêle crayonnés et couleurs aquarellées, joyeuses, est agréable. Chaque personnage porte une couleur de plumes (rose pour l’héroïne, bicolore orangée pour la première amie, etc). Certains fonds très épurés sont réussis, d’autres sont un peu lourds. De nombreuses scènes dépeignent la nature et l’eau (piscine, aquarium) d’une manière assez convaincante.
L’anthropomorphisme des personnages, à demi recouverts de plumes, est une bonne trouvaille graphique et apporte l’onirisme adéquat au fond. Comme dans Maus ou Les Crocodiles, la symbolique de l’animal correspond bien à la teneur du récit. Ici, des oiseaux qui sont comme cloués au sol qui évoquent des artistes confrontés à la banalité du réel. On pourrait imaginer de très beau tableaux adaptés de ce procédé.
Il y a indéniablement de bonnes planches, des dialogues très naturels présentés dans des phylactères flottants (un peu comme dans le travail de Catherine Meurisse), mais l’omniprésence du doute voire de la dépression de l’artiste, si elle a le mérite de représenter « la vérité », ne sert pas la force vitale du récit. Faire le choix de l’autobiographie et du réel est toujours une prise de risque, mais les témoignages souvent intéressants des interviewés auraient peut-être été mieux mis en valeur sans le personnage principal et son énergie cafardeuse.
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