Quelle vie mène-t-on réellement la nuit, quand les songes prennent le pas sur le réel et le rationnel ? Pour Jean, un jeune garçon que l’on devine d’un naturel angoissé, l’obscurité est synonyme de disparitions, de questions existentielles et de fortes émotions. Alors que ses journées sont bien ordonnées et tout à fait ordinaires, petit déjeuner, habitudes d’écolier, jeux d’enfants, souper et brossage de dents, c’est quand arrive le moment d’aller se coucher, que tout vient à basculer. Les objets de la maison se mettent alors à le regarder, à discuter, à philosopher et à disparaître sans raison. Comme cette petite chenille sur laquelle il n’arrive pas à remettre la main. Pour Jean, la nuit est un vaste territoire à explorer et à apprivoiser. Mais il y a de l’espoir, car il paraît qu’ici tout est permis.

On connaît Guillaume Chauchat pour son travail abstrait et singulier et ses recherches graphiques et scénaristiques (Il se passe des choses). Le voilà qui pose pour la première fois ses crayons dans l’univers de la jeunesse, avec un album onirique, hypnotique et énigmatique, qui colle parfaitement à son image. Si pour son histoire, on peut retrouver quelques références du côté de Little Nemo ou d’Alice au Pays des merveilles, graphiquement ses couleurs font penser à Mondrian et son trait à de nombreux titres du catalogue de l’Association.

Dans ce petit album dense, aux cadrages serrés, il fait parler sa science du détail et jongle avec les couleurs en usant d’une logique qui échappe au lecteur et le renforce l’immersion dans ce récit atypique. On tourne les pages en tentant de saisir le sens de cette fable surréaliste et plus on s’en approche, plus il nous échappe. Des portes s’ouvrent d’autres se referment. La magie opère et chacun se retrouve face à sa propre vision du sujet. Enfants, parents, lecteurs débutants ou experts, chacun y trouvera son compte. Il y a des ouvrages comme ça qui posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Si vous êtes prêts à jouer le jeu, l’expérience n’en sera que plus belle.