L’un, Yuri, atteint depuis son enfance d’une maladie auditive, subit la voix du docteur comme une décharge électrique. L’autre, Irène, hésite entre deux genres. Homme ou femme, elle est incapable de choisir. Vingt-trois ans plus tard, les deux écorchés vifs errent sans but, seuls dans la souffrance, luttant avec leurs propres fantômes. Quel lien étrange peut bien rapprocher ces deux êtres au bord du gouffre. L’espoir ou un terrible souvenir ?

Premier album de l’auteur italien Tiziano Angri, La Voix solitaire est une chronique sociale qui met en scène deux personnages partis en quête d’une réponse à leurs traumatismes, histoire de savoir enfin qui ils sont. Confronté à ses angoisses, Yuri entre alors en contact avec ses guides spirituels, un bestiaire bizarre où se côtoient squelettes, vaches-cerfs, pingouins et chats-géants. Irène, elle, affronte une réalité sordide entre prostitution, chômage et chirurgie esthétique, jusqu’à l’impromptue rencontre…

Le dispositif narratif, classique, croise les deux trajectoires et Tiziano Angri embarque facilement dans son petit monde par son trait limpide et expressif, ses cases percutantes, sa façon d’osciller entre cruauté et empathie pour donner vie à un curieux monde chimérique, parfaite métaphore d’âmes torturées. Mais à susciter tellement d’attentes, l’album finit par décevoir, faute d’aller encore plus loin dans l’exploration des traumas, avec des passages un brin hermétiques et un épilogue assez faible.

Plus que les personnages, lointains, c’est surtout l’ambiance vaguement inquiétante qui séduit. Où il suffit à l’auteur de quelques cases d’avatars étranges pour impressionner, même si entre les systématiques cris d’angoisse et les visages dépressifs, il reste un goût d’inachevé. La Voix solitaire, cohérent de bout en bout, reste toutefois un album où le talent perce. Et rien que pour ça, on sera attentif aux futurs albums de l’Italien, où son style devrait s’affirmer.