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L'amour, l'adolescence et la fin des utopies, selon Nathalie Ferlut

12 février 2010 |

ferlut_elisa_introElisa n’a pas 20 ans et se fout de tout. Enfin, c’est ce qu’elle dit. Elle aime et déteste sa copine Rachel, se sent amoureuse de son vieux pote Daniel. Quand Rachel meurt dans un accident de voiture, Elisa craque. Elle quitte sa morne province pour la capitale, ne donne de nouvelles à personne et revient avec des bleus sur le corps et dans le coeur. Puis abandonne ses études et rencontre un homme plus âgé. Pendant ce temps-là, le bloc soviétique tremble, et un certain mur berlinois est prêt à s’effondrer… Nathalie Ferlut (Lettres d’Agathe) réalise un album plein de vie, sur une jeunesse qui se cherche et tente de s’affirmer. Rencontre avec une auteure de 41 ans bien dans son époque.

Pourquoi raconter l’histoire d’Elisa ?
ferlut_elisa_stageJe voulais travailler sur ma génération [elle est née en 1968], écrire une histoire sur les gens qui avaient 20 ans au moment de la Chute du mur de Berlin, qui ont été marqués plus jeunes par l’élection de François Mitterrand en 1981. Mais je voulais avant tout raconter une histoire d’amour et de la façon la plus simple possible. Je me suis rendu compte que c’était vraiment très difficile.

Pourquoi ?
C’est un challenge, car je souhaitais raconter cela naturellement, au premier degré. Mais le risque permanent était de tomber dans le cucul… Je me suis alors efforcée de travailler sur la gestuelle de mes personnages, sur leurs regards, et sur les dialogues bien sûr. D’autant que je décris deux histoires d’amour, une apparente avec des séquences de drague un peu lourdes, et une souterraine jouant plutôt sur les rapports de proximité et d’intimité.

ferlut_elisa_danielVotre héroïne semble instable. Notamment après sa fugue à Paris dont vous ne dites pas grand-chose…
L’adolescence et les premières années de l’âge adulte correspondent à une période très romantique. Tous les sentiments sont alors extrêmes : les amitiés à la vie, à la mort, les histoires d’amour vécues comme LE Grand Amour… Elisa est confrontée à l’événement le plus extrême de tous: la mort brutale de sa meilleure amie. Sa réaction est donc excessive. Toute à sa douleur et à sa mauvaise conscience, elle fait une crise et disparaît. J’avais prévu plusieurs pages dédiées à son errance parisienne, mais je les ai retirées car elles étaient vraiment trop « cliché ». Une ellipse était finalement plus efficace, car ce moment dans la vie d’Elisa n’est pas le plus intéressant.

Y a-t-il beaucoup de vous-même dans ce personnage ?
Pas tant que ça. En commençant le livre, je ne connaissais pas vraiment Elisa. Je l’ai découverte petit à petit, j’ai vu combien elle pouvait être égocentrique et insupportable. C’est jouissif de mettre en scène un tel personnage, si éloignée de moi ! Car il s’agit bien de mise en scène comme au théâtre, en tout cas c’est comme cela que je travaille. D’abord les dialogues, ensuite la gestuelle, le tout dans deux ou trois décors, guère plus.

Vous dites que vous avez découvert votre héroïne en cours de réalisation. Mais comment avez-vous réussi à séduire votre éditeur avec un projet aussi flou ?
Au départ, je lui ai fourni une idée, puis un découpage très dessiné. Il m’a donné le feu vert. Mais j’ai changé énormément de choses au tout dernier moment, notamment la fin. J’ai enlevé des scènes, réécrit des dialogues pour que certaines séquences puissent être interprétées différemment. C’était franchement chaud de tout modifier, mais j’avais besoin de ça, de cette spontanéité. On ne choisit pas d’être auteur de BD pour devenir une star, pour rester dans la simple répétition de choses déjà vues. Il faut pouvoir vraiment s’amuser!

ferlut_elisa_antoine

Quels souvenirs gardez-vous de la Chute du Mur de Berlin ?
À peu près les mêmes que ce que vit mon héroïne. On regardait les images en boucle à la télé et on les voyait un peu comme une revanche. Car nos profs de l’époque étaient pour la plupart des ex-soixante-huitards qui nous faisaient passer pour des mous du bide. Selon eux, qui avaient fait la « révolution », ma génération était pourrie gâtée et n’avait pas d’idéaux. ferlut_elisa_berlinOr, qui était devant le Mur de Berlin quand il est tombé? Des jeunes!

Ce regard des anciens sur les jeunes ne se perpétue-t-il pas de génération en génération ? Les parents et les profs d’aujourd’hui ne portent-ils pas ce même regard désabusé sur la génération suivante?
Peut-être… En tout cas, j’essaie de me souvenir de ma jeunesse pour ne pas devenir moi-même une vieille moralisatrice ! Quand ma génération est devenue adulte, on s’est vite rendu compte du retour de bâton. On avait peut-être été gâtés étant enfants, mais on savait qu’on allait vraiment galérer après. Et je crois que c’est encore plus flagrant pour la génération qui arrive. Le monde d’aujourd’hui a des côtés tout à fait épatants, notamment grâce au développement des technologies de communication, qui changent énormément de choses. Mais, en même temps, l’horizon s’assombrit de jour en jour. Ce qui, hélas, donne aux jeunes de bonnes raisons de ne pas avoir confiance en l’avenir.

Quels sont vos projets ?
J’aimerais développer une suite à Elisa. Écrire une sorte de saga sur les 20 ans qui suivent la Chute du mur de Berlin, montrer des personnages qui se croisent, s’éloignent, se recroisent… Un peu à la manière des séries télé d’aujourd’hui.

Propos recueillis par Benjamin Roure

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Elisa
Par Nathalie Ferlut.
Delcourt, 14,95 €, le 20 janvier 2010.

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Images © Nathalie Ferlut / Guy Delcourt Productions – Photo © Olivier Roller

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