Lastman, l’évidence de la série animée
La série Lastman, portée par le trio Bastien Vivès, Michaël Sanlaville et Balak, vient d’ouvrir avec brio son second cycle avec un septième album de haut vol qui annonce encore de belles aventures. Mais dans les mois qui viennent, c’est au-delà du petit monde de la bande dessinée que la série va faire parler d’elle. « Lastfight », le jeu vidéo dérivé de la série, est annoncé pour la fin de l’année. Une version « beta » a d’ailleurs été présentée au dernier We Do BD/Festiblog. En janvier prochain, le Festival d’Angoulême proposera « Lastman universe », une exposition « ludique et interactive » et, un peu plus tard en 2016, la série animée débarquera sur les écrans de France 4. Jérémie Périn, le réalisateur, lève le voile sur cette série en cours de production.
D’où est venue l’idée de porter Lastman sur petit écran ?
L’idée vient de Didier Creste, le producteur de la série, qui connaissait Bastien Vivès pour être également le producteur de l’adaptation de Polina en long-métrage. Bien sûr, je crois que les auteurs de la bande dessinée fantasmaient tous sur une adaptation de leur travail en série télé, mais c’est vraiment Didier, avec l’appui de France 4, qui a rendu ce fantasme réel.
La série Lastman va puiser des références et des influences dans de nombreux dessins animés des années 1990 (Les Chevaliers du Zodiaque, DragonBall Z, Ken le Survivant, Les Cités d’Or, Cobra). Est-ce que cela ne met pas un peu plus de pression sur ce projet ?
Non, pas du tout. Au contraire, c’est motivant. J’ai moi aussi grandi avec ces séries télé, je les ai adorées et assimilées tout comme Balak, Sanlaville et Vivès. Elles font partie de nous pour toujours. Du coup, forcément, quand on m’a proposé de réaliser un feuilleton d’action-aventure, ça a fait tilt dans ma tête, avec tout ce que ça charrie de souvenirs et de plaisirs de spectateur. À mon tour de proposer ma version du genre. Avec les auteurs de la bande dessinée, nous partageons grosso modo les mêmes influences. Qu’il s’agisse de BD, de séries ou de films. C’est aussi ce qui fait qu’on s’entend bien et qu’on se comprend. En ce qui me concerne, je ne me pose plus la question de savoir si ce que je fais rappelle telle ou telle oeuvre. C’est déjà assez difficile comme ça de faire un dessin animé ! Les hommages ne m’intéressent pas tellement non plus. Finalement, c’est après avoir eu une idée qui me plaît qu’il m’arrive de me rendre compte qu’elle vient d’ailleurs. De toute façon, voilà un scoop pour vous: les idées viennent toujours d’ailleurs.
Quelles sont les principales difficultés que l’on rencontre lorsqu’on s’attaque à l’adaptation d’une série BD en animation ?
Je dirais que le plus difficile c’est l’adaptation de la structure de l’histoire. Un format bd, quel qu’il soit, ne correspond jamais à la durée d’un épisode ou même d’un film. Bon, en réalité nous contournons justement ce problème en n’adaptant pas le scénario de Lastman à l’écran. La série télé est un prequel qui se déroule 10 ans avant les événements de la bande dessinée.
À quoi faut-il veiller pour ne pas décevoir les lecteurs ?
Je n’en ai aucune idée. Chaque lecteur se fait une idée personnelle d’une adaptation idéale. C’est assez vain de croire qu’on va contenter tout le monde. Au risque de paraître désagréable, ma solution c’est de m’en foutre éperdument. Une fois de plus, je pense que la solution que nous avons adoptée en accord avec les auteurs de la BD – un scénario original plutôt qu’une adaptation littérale – contourne le problème. Encore que… il y en aura forcément quelques-uns pour écrire sur des forums: « mai pourqoi ils on pas fais kom la béday?! »
Comment s’effectue le travail entre les auteurs de la BD et vous ?
Dés le départ, Balak, Michaël et Bastien souhaitaient élargir l’univers de Lastman et laisser la série avoir sa propre identité. Ils n’étaient pas intéressés par une adaptation telle quelle des livres comme c’est souvent le cas. Ça arrangeait tout le monde. Eux d’abord, car ils pouvaient continuer à écrire leur histoire à leur rythme, ce qui n’aurait sûrement pas été le cas autrement : une production animée demande l’écriture en amont d’énormément de scripts et, au moment où nous avons lancé la production, le tome 3 venait seulement d’être terminé. De mon côté, c’est franchement ce qui m’a décidé à accepter le travail. En plus de réaliser une série d’action pour un public plus âgé qu’à l’accoutumée en France, je pouvais me l’approprier et participer à l’écriture d’un scénario original. Finalement, chacun est resté très libre de son côté en racontant aux autres ce qu’il comptait faire dans son propre travail, ce qui amenait à de nouvelles idées de ponts entre les deux histoires. C’était très motivant. Balak a rejoint l’équipe des sept scénaristes de la série, garantissant la cohérence entre les deux univers.
Où en est le projet à l’heure actuelle ?
Les scénarios de tous les épisodes sont écrits et acceptés par France Télévisions, la moitié des story-boards sont faits. Nous sommes toujours en phase de création de personnages et de décors pour la deuxième moitié de la saison. Le dur de la fabrication des épisodes est lancé (décors et musiques) ou imminente (l’animation démarre en octobre).
Côté BD, quels sont les albums que l’on peut trouver dans votre bibliothèque ? Ou les auteurs que vous appréciez ?
Je vais être honnête, je ne suis pas un grand lecteur de BD. Ça manque un peu de son ou de mouvement à mon goût. J’ai trop assimilé le dessin au cinéma et à l’animation et j’ai du mal à faire l’effort de combler ce « manque » par mon imagination. Un livre au moins c’est assumé: il n’y a que du texte. Bref, il faut vraiment que ça soit exceptionnel pour que j’accroche. Du coup, j’ai du Gotlib, Junji Ito, Richard Corben, Riad Sattouf, Akira Toriyama, Robert Crumb… Que des pointures reconnues donc. Sauf Goscinny : je n’ai jamais compris.
Propos recueillis par Romain Gallissot
Deux clips réalisés par Jérémie Périn
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Si la série télé est du même acabit que la bd, je la regarderai avec plaisir.
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