Le corps humain et l’espace la fascinent. Marion Montaigne, 28 ans, instruit ses lecteurs tout en les amusant sur son blog Tu mourras moins bête. Cette jeune auteure de BD (Panique organique chez Sarbacane, La Vie des très bêtes chez Bayard) se paie Luc Besson, Nicolas Sarkozy et Gérard Depardieu dans une note savoureuse sur les horoscopes, ou détaille ce que sont la métoposcopie (l’art de lire les rides du front) ou la pygomancie (la lecture divinatoire des lignes, creux et plis des fesses). Elle n’est jamais aussi drôle ni pertinente que lorsqu’elle décrypte de récentes découvertes scientifiques, en étayant sérieusement son propos – ses affirmations sont sourcées, souvent piochées dans de vénérables revues médicales ou scientifiques. Avec elle, on attaque la semaine du bon pied : lundi, c’est par exemple sciences fantaisies, mardi, accidentologie ou parasitologie, mercredi, le vide infini, jeudi, paléontologie, et vendredi, chirurgie en volant. Tout un programme.

Dans quelles conditions avez-vous créé ce blog?
L’été dernier, je suis rentrée de vacances alors que mes éditeurs étaient toujours en congés. C’était calme, alors je m’y suis mise. J’avais en stock des planches pseudo-scientifiques dont je n’avais jusqu’à présent rien fait. Je les ai mises en ligne pour les tester auprès d’amis.

Vous n’y abordez pas du tout votre vie…
Mon quotidien n’est pas plus passionnant que celui des autres. Et puis, quand on s’expose personnellement, les critiques peuvent être très virulentes…

Pourquoi vous focaliser sur la science?
C’est mon dada ! Petite, je rêvais d’être scientifique pour aller dans des forêts exotiques et être suivie par des équipes de télé comme celle de Nicolas Hulot. J’aime la biologie depuis le collège. Peut-être aurais-je dû être médecin… C’est un domaine où l’on fait toujours des découvertes, et où l’on est constamment surpris par de multiples nouveautés. Pour un auteur de BD, c’est du pain bénit ! On peut facilement rebondir sur cette matière inépuisable. Je trouve incroyable que l’être humain soit si bien fichu. Souvent, en parler en détail dégoûte les gens. Alors qu’il me semble plus intéressant de savoir comment notre corps fonctionne plutôt que de bien maîtriser les règles grammaticales… J’aime raconter aux autres comment ils sont faits, de quelle façon leurs fluides circulent. En ce moment, par exemple, je raconte tous les soirs à mon copain comment est conçue une combinaison spatiale. J’ai un petit côté prof de bio et donneuse de leçons.

Quel est le principe de Tu mourras moins bête?
Des lecteurs réels ou imaginaires envoient des questions sur des cartes postales ou par voie virtuelle. La professeur Moustache, mon alter ego – doté d’une moustache donc, pour préserver mon anonymat – y répond en déconnant, mais en utilisant de vrais arguments.

Comment préparez-vous ces réponses ?
Je me documente beaucoup, j’y passe souvent le week-end. Ensuite, je consacre une soirée au brouillon de ma note, et quelques heures à sa mise au propre.

Quel a été votre parcours?
Après un bac ES, une prépa d’art à Sèvres et une mise à niveau à Estienne, j’ai passé deux ans aux Gobelins. J’ai fait de l’animation, notamment pour TF1 Jeunesse, dont j’ai réalisé un jingle. Mais ça m’a ennuyée. J’ai hésité à faire de l’illustration médicale. Mais mon dessin n’était pas assez rigoureux, et il m’aurait fallu étudier sérieusement la médecine. Or je ne souhaitais pas seulement être didactique, mais aussi raconter des histoires. Et puis je crois que j’aimais un peu trop délirer… Je me suis finalement orientée vers la bande dessinée.

Quels sont vos projets ?
En ce moment, j’ai beaucoup de commandes d’illustrations. Je publie ces semaines-ci une BD jeunesse, Youri et Margarine dans l’espace, chez Tourbillon. Et j’aimerais bien trouver un éditeur pour mon blog. Je compte le continuer pendant au maximum un an, car il me demande beaucoup d’énergie et je crains de m’essouffler.

Propos recueillis par Laurence Le Saux

Images © Marion Montaigne – Photo © Chloé Vollmer-Lo