Le Cauchemar d’Innsmouth #1
Si Gou Tanabe est un spécialiste des ténèbres graphiques, on peut supposer qu’il fut sur un petit nuage lors de sa réception du Prix de la Série au 47e Festival d’Angoulême. Autant dire que nous avons ici une valeur sûre du manga, surtout lorsque qu’il s’attaque à l’œuvre monumentale de Lovecraft. Reprenant parfois jusqu’à certains dialogues des romans de l’écrivain américain, les adaptations sont quasiment devenues des classiques instantanés.
Le voici donc qui revient avec l’adaptation du Cauchemar d’Innsmouth, nouvelle occasion de dessiner le décor cauchemardesque et détaillé d’une ville portuaire victime d’une malédiction. On suit alors un voyageur curieux mais imprudent à la découverte d’une cité à l’architecture déformée et malade, tout comme ses habitants ayant pour certains des visages proches de chimères croisant homme et poisson ! Clairement, même si le récit de base date d’un autre temps, l’installation de son univers est d’une redoutable efficacité encore aujourd’hui.
On sait hélas que H.P. Lovecraft ne cachait pas son racisme dans ses récits, et Gou Tanabe parvient à manipuler quelques dialogues pour faire passer certaines descriptions : là où le romancier décrivait des déformations suite à de soi-disant croisements entre occidentaux et peuplades africaines, le mangaka préfère se concentrer sur des connivences démoniaques… Trahison, adaptation, chacun sera libre de penser que Gou Tanabe a bien fait ou non. En tous cas, ce choix colle parfaitement au récit d’une malédiction s’inscrivant dans la chair d’habitants trop avides de richesses faciles.
Voici pour le fond, mais pour la forme, on sera dans un consensus évident : c’est horriblement beau ! Rarement saleté, difformité, réalité tordue auront été aussi magnifiquement illustrées. Devant cette véritable fête cauchemardesque pour les yeux, on est clairement face à un mélange de répulsion et de fascination, très lovecraftien, et on est en empathie évidente pour un jeune explorateur qui veut en savoir plus, voir ce qui se trouve au coin de la rue suivante, de l’origine de cet autre monde dans le Nouveau Monde… Encore une belle réussite pour Gou Tanabe.
Kara
© Tanabe Gou 2021 / Kadokawa Corporation
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