Le docteur Dunne est si sympathique, si efficace et si prévenant. Dans ces États-Unis des glorieuses années 1960, un dentiste comme ça, un bon Américain qui plus est, on n’en trouve pas si souvent. Pourtant, derrière son sourire rigolard et ses blagues gentiment macho, ce bon père de famille cache un pervers tortionnaire. En tout cas, un professionnel de la mâchoire qui prend un certain plaisir à faire tourner la roulette ou poser des appareils dentaires aux ados, presqu’autant qu’à fantasmer sur des images de pin-up façon bondage ou qu’à gober du LSD. Vous le laisseriez toucher à vos gencives, vous ?

Le décor et les personnages imaginés par l’Espagnol Agustin Ferrer intriguent dès les premières pages. Car brossés dans un style assez années 80, dans la veine ibérique d’un Prado, ils marchent à la frontière du réalisme et du cartoon, provoquant aisément un délicieux malaise. Les anatomies se tordent et se distendent, presque sans prévenir, faisant sourire alors que les événements décrits sont carrément malsains. C’est la vraie force de ce one-shot, ainsi que sa mise en couleurs baveuse mais joliment criarde, qui possède donc une personnalité assez singulière. Au-delà de ce graphisme atypique et dissonant, on reste un peu frustré d’un scénario assez attendu, qui ne creuse pas suffisamment sa voie de thriller horrifique, et se révèle finalement plutôt convenu. Une petite déception, mais un album étonnant.