Le Ciel dans la tête
Nivek a failli être enterré vivant dans un accident de mine. Mais il a survécu et s’est rebellé contre le soldat qui surveillait cette exploitation de minerais rares au Congo : au lieu d’une balle dans la tête, il a gagné le « droit » de devenir un enfant soldat. Façonné, encouragé, entraîné, drogué, il devient rapidement une machine à tuer, et cette puissance semble lui convenir car il pense prendre son destin en mains. Cependant, un ami lui suggère une autre possibilité : fuir et se trouver une nouvelle vie en Europe.
Couronné par la Grand Prix de la Critique ACBD 2024, cet album, à la narration très originale, fait partie de ceux qui restent en tête et dans le tripes longtemps. L’intro, étouffante, en vue subjective au fond d’une crevasse, donnait le ton. Et l’assassinat de sa propre famille par le jeune Nivek, étape rituelle pour les nouveaux enfants soldats, achevait de glacer le sang. D’autant que la mise en scène, distante et clinique, et le graphisme radical de Sergio García Sánchez (bien éloigné de ses formidables albums jeunesse, comme Chasse-croisé au Val Doré) offrent l’aspect d’une terrible pièce de théâtre, dont le lecteur serait le spectateur piégé et meurtri. La migration, le business des passeurs, les nouveaux esclavagistes, les noyades en Méditerranée, l’hypocrisie européenne… Des sujets d’une brûlante actualité qui, présentés sous l’angle d’une fiction âpre et sans concession, n’en font que résonner davantage l’urgence d’une prise en compte politique globale de la détresse de certaines populations d’Afrique, avec plus d’humanité que de méfiance et de rejet.
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