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« Le Départ »/ »La Mère et la Mort » : un double livre sombre et puissant

27 mars 2018 |

la-mere-et-la-mort-le-depart_JgmOIz1Les éditions Le Tripode viennent de publier un splendide album à la beauté sombre, réalisé à six mains. Au dessin, Nicolas Arispe, auteur argentin déjà publié au Tripode (Le Livre, 2017). Aux textes, Alberto Laiseca et Alberto Chimal. À la croisée de la BD, de la peinture et de la littérature, le livre se présente comme un double album qu’il faut retourner une fois arrivé en son milieu, et reprendre au début avec la seconde histoire. Libre au lecteur ensuite de commencer par l’histoire de son choix.

Symétrie parfaite, effet miroir, le livre peut – et doit – se lire dans les deux sens. Pour en saisir toute la virtuosité. Deux narrations parallèles donc, portant l’idée du sacrifice. Dans Le Départ, on suit les pas d’une mère qui vit mourir son petit garçon lors d’un tremblement de terre. Pas de résignation larmoyante mais des suppliques désespérées envers des dieux bienveillants. Dans La Mère et la Mort, une mère est prête à se sacrifier corps et âme, triomphant des paysages les plus hostiles, pour retrouver son petit.

Il est bien question de bande dessinée : les grandes cases pleine page se succèdent, embrassant le martyr d’une femme bouleversée, traversée par la douleur. De littérature aussi : par le texte, une voix off comme l’écho lointain d’un proche au-delà, et des histoires narrées sur le mode du conte façon Andersen. Puisant dans la Bible, les traditions orales et les rites africains aussi. Et enfin de peinture, car Nicolas Arispe, le dessinateur, ne cesse de s’inspirer de différents genres ou peintres : d’Otto Dix à Edward Gorey en passant par Caspar Friedrich, de l’art gothique au baroque en passant par l’art médiéval, sans oublier Jérôme Bosch, Pieter Brueghel, Chirico et le maniérisme, les références sont nombreuses. Mais on les oublie facilement pour ne voir que le talent à l’état brut. Ce qui ne serait qu’un musée tapissé de nos plus grands cauchemars cède la place au spectacle romantique d’une mort féconde : tableaux charbonneux aux mille détails, funestes allégories de la Mort, tourments d’une mère en lutte, paysages de fin de monde, masses hachurées en mouvement…

ARISPE-SITE

L’album sonde et désosse les angoisses les plus viscérales pour mieux les exorciser. « Nous ne pouvons pas vaincre la mort, ni nous en défaire, mais nous avons l’art pour la questionner, la penser, pour rire d’elle et de notre peur ou pour nous reconnaître dans cette frayeur », souligne Nicolas Arispe. Ainsi, rarement le deuil et le sentiment de perte n’ont été abordés aussi frontalement mais avec tact, pour un résultat sombre et puissant de beauté. Ce n’est pas un mince paradoxe s’agissant de la mort et, comme dans toute bonne tragédie classique, l’ouvrage prend une autre épaisseur à chaque lecture. De quoi méditer pour l’éternité.

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Le Départ/La Mère et la Mort
Par Nicolas Arispe, Alberto Chimal, Alberto Laiseca.
Le Tripode, 23 €, février 2018.

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